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La politique Québécoise vue de France
27 novembre 2013

Le Québec en partielles

Puisqu'il n'y aura finalement pas d'élections anticipées avant cet automne, deux élections partielles auront lieu le 9 décembre à Montréal dans les circonscriptions d'Outremont et Viau, considérées comme deux forteresse libérales. Il s'avère cependant très probable que les députés élus ne siègent que quelques mois, le gouvernement péquiste ne pouvant vraisemblablement se maintenir au delà du vote du budget au printemps 2014. Ces élections ayant lieu dans des fiefs, l'enjeu électoral n'est pas très grand, mais est l'occasion de revenir sur quelques particularités québécoises : ceci est donc un petit focus (à la taille raisonnable, ce qui soulagera les lecteurs habitués à mes laïus de 5 pages).

 

Pourquoi ces partielles ?

Tout simplement parce que les députés ont démissionné :

- Raymond Bachand (Viau), ancien ministre, a décidé de mettre fin à sa carrière politique http://www.ledevoir.com/politique/quebec/386011/raymond-bachand-quitte-la-vie-politique après son sévère échec – il avait terminé troisième et dernier – à devenir chef du Parti Libéral en mars 2013.

- Emmanuel Dubourg (Outremont), a quitté sa coquette situation pour tenter de succéder à l'élu libéral fédéral Denis Coderre, lui même démissionnaire pour briguer la mairie de Montréal (qu'il a conquis le 3 novembre).

Deux raisons bien différentes qui sont l'occasion de souligner quelques différences avec la France.

D'une part, les députés québécois n'ont pas de suppléants, une défection de leur part crée donc automatiquement une partielle. Cependant, les suppléants français ne sont habilités à remplacer uniquement dans trois cas : le décès du titulaire, la nomination au gouvernement – qui n'a pas lieu au Québec où les ministres doivent être députés – et une démission suite à une situation de cumul – qui n'a pas lieu non plus puisque le cumul est totalement interdit depuis 1982. En tous cas, transposé à la France, ces deux démissions auraient aussi créé des partielles.

Un cas purement théorique car en France Emmanuel Dubourg n'aurait pas démissionné simplement parce qu'il est candidat à une élection, et aurait attendu d'être élu, voire aurait cumulé le temps d'épuiser tous les recours en annulation comme le droit français l'y autorise. Et bien au Québec, et dans tout le Canada, les choses sont différentes. On considère que se porter candidat à un autre mandat politique que celui qu'on occupe impose d'en démissionner, sans que je n'aie su trouver s'il s'agissait d'une loi ou d'un usage. En tous cas on est bien loin des ridicules guéguerres des élus français s'écharpant sur un non-cumul des mandats light depuis des mois...

 

Quels enjeux ?

Comme dit plus haut les enjeux ne sont pas énormes : Outremont n'a jamais cessé d'être libéral depuis sa création en 1966, Viau a été péquiste de 1976 à 1981 mais c'est sa seule infidélité aux libéraux de son histoire. Autant dire que le climat actuel n'étant pas au fol-amour populaire pour le PQ, le basculement est quasi-impossible dans ces circonscriptions à majorité anglophones et aisées.

Dans la circonscription de Viau, c'est David Heurtel qui portera les couleurs du Parti Libéral. Ancien président de la direction de la Régie des installations olympiques (RIO) et ex-collaborateur du premier ministre péquiste, Bernard Landry dit avoir rejoint les libéraux suite au débat sur la Charte des valeurs . Cette belle prise pour le PLQ a cependant quelques casseroles accrochées à la patte, sans que cela ne semble pouvoir inquiéter son élection. Face à lui on retrouve à peu près tout le spectre politique : Émilio Alvarez Garcia (Union citoyenne du Québec), Patrick Bourgeois (Option nationale), Morgan Crockett (Parti vert du Québec), Geneviève Fortier-Moreau (Québec solidaire), Jamilla Leboeuf (Coalition avenir Québec), Tania Longpré (Parti québécois), Jean-Paul Pellerin (Parti conservateur du Québec) et Stéphane Pouleur (Équipe autonomiste). On peut noter que la candidate péquiste à défrayé la chronique par la révélation de messages facebook extrêmement violents vis-à-vis de Pauline Marois et que Patrick Bourgeois, candidat pour Option nationale, est journaliste et militant indépendantiste reconnu, directeur du journal Le Québécois, ce qui ne suffira sans doute pas à convaincre une population très opposée aux souverainistes.

 Philippe_Couillard

Philippe Couillard, candidat libéral dans Outremont
et favori de cette élection

Dans Outremont les choses sont différentes puisque c'est Philippe Couillard, le chef du Parti Libéral, qui se présentera. Je l'expliquais dans un de mes  points institutionnels, le système canadien impose la présence du chef de parti à l'Assemblée nationale, où il préside le caucus de son groupe. Il arrive exceptionnellement que ce ne soit pas le cas quand un non-parlementaire est élu chef en cours de mandat. Dans ce cas il est d'usage que le chef se présente lors de la première partielle qui se présente afin d'entrer à l'Assemblée et de jouer le jeu du débat démocratique. L'usage québécois pousse cela assez loin puisque, afin d'assurer l'élection du chef libéral, le Parti Québécois et la Coalition Avenir Québec ont annoncé ne pas présenter de candidats dans la circonscription.

On peut sourire en rappelant qu'il n'y avait aucune chance que Couillard ne gagne pas, et que les partis n'en auraient sans doute pas fait de même dans une circonscription en ballottage. En ce cas un député libéral élu dans un fief aurait sans doute démissionné pour laisser la place à son chef, pratique très surprenante pour des Français mais qui va dans l'idée – très forte au Québec – que le parti prime l'homme. Curieusement Philippe Couillard semble avoir hésité à se présenter mais a été largement poussé par ses troupes comme par l'opinion. Il a d'ores et déjà annoncé que, lors des élections de 2013, il se présentera dans la circonscription rurale de Roberval, où il réside. Fait amusant, en 2006 Pauline Marois était revenue à la politique en devenant cheffe du PQ après avoir annoncé l'arrêt de sa carrière. Elle avait alors profité du même principe, n'affrontant aucun candidat

Il sera intéressant de voir qui, d’Édith Laperle (Québec Solidaire) ou Julie Surprenant (Option Nationale), récoltera les quelques voix des souverainistes de la circonscription, qui ne voudront sans doute pas voter pour leur ennemi. Fait notable, Alex Tyrell, le jeune chef récemment élu du Parti Vert Québécois, est candidat dans cette circonscription où le parti écologiste a toujours obtenu des scores relativement élevés par rapport à la moyenne nationale (entre 5 et 10%). Sont aussi candidats Guy Boivin (Équipe autonomiste), Pierre Ennio Crespi (Parti conservateur du Québec) et Mathieu Marcil (Parti nul).

 

Quelles conséquences ?

Même sans enjeu, les partielles ont un impact direct et concret pour les citoyens. Tout ces élections partielles ont lieu alors qu'une élection générale aura sans doute lieu dans peu de temps, c'est donc tout un scrutin à organiser pour pas grand chose mais qui ne coûte pas moins cher qu'un autre : la bagatelle de 500 000 $ tout de même. À ce coût s’ajoute celui de la « prime de séparation » du député. En effet tout député battu, démissionnaire ou ne se représentant pas à le droit à cette coquette prime de 100 000 $ lui permettant de se retourner.

Emmanuel_Dubourg

Emmanuel Dubourg, député libéral démissionnaire de Viau,
nouveau député libéral fédéral de Bourassa

Cette prime est de plus en plus contestée, particulièrement dans le cas des députés démissionnaires en cours de mandats, cas assez fréquent au Québec, et qui apparaît souvent comme un simple caprice bien récompensé. Dernièrement le député Tony Tomassi, démissionnaire suite à des scandales de corruption, avait créé un certain scandale en touchant sa prime de séparation après des mois d'absentéisme rémunéré. Emmanuel Dubourg a été largement attaqué sur ce sujet par la NPD et le Parti Québécois lors de sa nouvelle campagne – ce qui ne l'a pas empêché d'être élu et d'empocher le chèque sans sourciller. Quelques propositions ont été faites ces dernières années pour limiter les abus et exiger le remboursement des prime par les députés ne démissionnant pas pour une bonne raison – comme une maladie sévère par exemple –, sans effet pour le moment. Mais ça pourrait revenir sur le tapis.

En France on aurait bon dos de faire les scandalisés avec notre système on ne peut plus confortable puisque, depuis une réforme de 2007, nos élus ont le droit de toucher 5 ans de chômage avec un début à taux plein de leur indemnité et descendant jusqu'à 20% soixante mois plus tard. Certes, ils recoivent moins d'un coup mais c'est tout tout aussi contestable, d'autant qu’auparavant ils touchaient leur indemnité à taux plein durant 6 mois puis plus rien, ce qui était déjà relativement confortable. Il reste que la protestation dépasse rarement le cadre du populisme lassé et du « tous pourris », il n'y a guère que lorsque Jérôme Cahuzac a quitté ses fonctions que l'on a entendu des voix se lever contre ses indemnités.

En tous cas, dans un pays comme dans l'autre, les Gouvernements ont beau exiger de certains ex-élus qu'ils remboursent leurs indemnités, ils n'ont aucun réel moyen de pression. Et dans tous les cas les malappris ont pu balayer les réclamations d'un revers de manche et toucher leurs sous.

Crédits images : Photos issuent de wikimedia.

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