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La politique Québécoise vue de France

9 juin 2015

Entretien avec Alexandre Boulerice, député NPD de Rosemont - La Petite-Patrie

D’abord journaliste syndiqué, Alexandre Boulerice devient rapidement employé du Syndicat Canadien de la Fonction Publique, où il élaborera les stratégies de communication durant neuf ans. Militant néodémocrate depuis les années 90, il est élu député de Rosemont-La Petite-Patrie en 2011 lors de la vague orange. Construit idéologiquement, habitué à la joute orale, il prend rapidement des fonctions au sein du Caucus : d’abord porte-parole de l'opposition officielle pour le Conseil du trésor, il est aujourd'hui porte-parole en matière de Travail, en matière d’Éthique et pour le dossier Postes Canada.

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Pour débuter, pouvez-vous revenir sur l’origine de vos engagements dans le syndicalisme et au NPD avant d’être député ? Vous avez déjà été candidat dans les années 90, ça remonte à loin…

J’ai toujours été sensible aux questions de justice sociale et de redistribution de la richesse. Je crois profondément que tout être humain devrait vivre dans la dignité. Cela a toujours influencé mon implication qu’elle soit syndicale ou politique. En effet, après avoir été représentant des journalistes pour notre syndicat local, j’ai découvert le monde des travailleurs non-syndiqués avec l’Union des travailleurs et des travailleuses de Montréal, d’où mon envie de participer à l’élaboration d’un bon filet social et d’un marché de l’emploi qui garantit des conditions décentes de travail. Cela m’a d’abord conduit à mon engagement au SCFP puis à la politique, pour qu’un réel changement se produise grâce au NPD.

Cette expérience vous a permis de prendre rapidement des responsabilités au sein du caucus. Pouvez-vous présenter des mesures fortes portées dans chacun de vos trois porte-parolats successifs (Conseil du Trésor, Éthique, Travail) ?

En ce qui concerne le Conseil du Trésor, j’ai dénoncé les coupures massives dans les services publics et les pertes d’emplois.

Au niveau de l’Éthique, le NPD a dévoilé et questionné les scandales des dépenses du G-20 détournées ainsi que les scandales des sénateurs conservateurs et du chef de cabinet du Premier Ministre, Nigel Wright.

Enfin étant porte-parole du NPD pour le Travail et porte-parole adjoint en matière d’éthique, nous avons lutté contre les projets de lois 377 et également déposé un projet de loi pour que, sous la juridiction fédérale, les travailleuses aient accès aux programmes provinciaux de retrait préventif de la femme enceinte.

Vous vous êtes particulièrement fait entendre sur la question des postes, où le NPD mène une lutte acharnée depuis le début du projet conservateur. Pouvez-vous rappeler à notre lectorat en quoi ce combat est crucial et ce que propose votre parti pour assurer la modernisation des postes sans attaquer le service public ?

La fin unilatérale de la livraison à domicile n’est pas justifiée financièrement et va heurter de plein de fouet les personnes âgées et les personnes handicapées. Les gens tiennent à ce service postal chez eux, nous avons les moyens de le préserver et il n’y a aucune raison d’être le seul pays du G7 à être incapable de livrer le courrier chez les gens. En plus, c’est 800 bons emplois qui risquent de disparaître.

Le combat continue puisque nous recevons tous les jours des pétitions de mécontentement de la position prise par les conservateurs sur le dossier de Postes Canada. Le NPD a d’ailleurs annoncé le 21 mai 2015 qu’il s’engage à remettre en place ce service après son élection.

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Lors d'une manifestation de soutien à Radio-Canada

On vous a également beaucoup entendu sur lors de la Guerre de Gaza de 2014, vous avez marqué largement votre solidarité, parfois plus que votre leader. Quelle position voudriez-vous voir prise par le Canada dans le conflit israélo-palestinien ?

Nous voulons une résolution de ce conflit où les peuples palestiniens et israéliens pourront vivre en paix et en sécurité. Nous favorisons des négociations, la fin des colonies illégales et la création d’un État palestinien basé sur les frontières de 1967. En effet, les deux États doivent être viables afin d’avoir une sécurité à long terme d’où la nécessité de les aider à négocier un réel processus de paix pour régler cette situation de crise durable.

Votre statut de membre de l’opposition vous empêche de pouvoir faire passer beaucoup de lois, il y a cependant un long travail de commission et, parfois, des compromis. Pouvez-vous citer deux exemples de projets que vous avez portés et qui vous tenaient particulièrement à cœur, qu'ils aient échoué ou aient été adopté ?

Comme vous l’indiquez, le fait d'être dans l’opposition permet surtout de montrer notre désaccord envers les mesures injustifiées que prennent les Conservateurs. Toutefois, nous avons réussi à faire adopter un projet de loi rendant obligatoire le bilinguisme pour les « agents du parlement » dont les Commissaires. C’était une grande victoire pour la place du français à Ottawa. En outre, nous avons aussi amendé le projet de loi 525 en écartant les pires règles prévues au départ, notamment pour compter les votes lors d’un processus de syndicalisation. Cependant, mon projet de loi sur le retrait préventif des femmes enceintes a été battu par les conservateurs et les libéraux.

Comme de nombreux députés néodémocrates votre élection a été une surprise. Quel est votre regard sur ces 4 ans de mandat inattendu, n’avez-vous jamais regretté votre vie d’avant et quelles mesures souhaiteriez-vous particulièrement porter si vous êtes réélu en 2015 ?

Ouf ! Oui!  Bien-sûr que l’on peut parfois regretter car la vie familiale souffre avec le travail de député. En effet, cette fonction n’avait pas été pensée au départ pour des parents avec des jeunes enfants. C’est pourquoi je considère que c’est la partie la plus difficile et ingrate de ce travail prenant, qui est par ailleurs formidable. Ainsi, j’apprécie de pouvoir représenté au mieux les gens de ma circonscription ainsi que de me faire le porte-parole d’enjeux si importants ! 

Si l’on gagne en 2015 ? Mes priorités sont une hausse des impôts des grandes compagnies, un service de garde public universel, le rétablissement d’un salaire minimum, la bonification des pensions et la fin de l’imposition des boites postales communautaires.

 

Entretienréalisé par courriel
entre avril et juin 2015


Pour aller plus loin
Site officiel

Crédit photos : Site officiel du député.

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19 mai 2015

Fin du « suspens »... et après ?

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Après des mois de campagne dont les seuls points saillants ont été le retrait de trois candidats pour des raisons diverses, Pierre-Karl Péladeau est donc devenu chef du Parti Québécois hier. Avec 57,58% et une forte participation, sa légitimité est totale. Même si ses équipe visaient au départ de la campagne un score au delà des 70%, son résultat est conforme aux attentes des derniers sondages qui, cette fois, ont été globalement fiables pour tout le monde (29,21% pour Cloutier et 13,21% pour Ouellet).

Maintenant que le PQ s’est doté d’un chef, quel avenir ? Quelles perspectives ? Je suis de ceux qui ne comprennent pas que la clinquant médiatique d’un PKP ai pu à ce point emballer un PQ à la recherche d’un sauveur suprême. De fait, faute de passé politique, les seuls faits d’armes du nouveau leader sont à charge : patron voyou responsable d’un lock-out historique, dons financiers au Parti Libéral et à l’ADQ1, gaffes multiples quasiment à chaque expression publique… Mais PKP a levé le poing, parlé d’indépendance (tout en conservant un flou total sur le processus) et emballé les foules.

Je ne crois pas une minute aux envolées sociales démocrates du nouveau leader - les promesses n’engageant que ceux qui les croient -, son accession à la tête du PQ sonne la rupture définitive avec ce qui fut le parti de l'a-priori positif aux travailleurs et est d’abord la victoire des médias de masse. Mais curieusement, contrairement à beaucoup d’observateurs horrifiés, cela me semble plutôt une bonne nouvelle.

Pas une bonne nouvelle pour la pensée politique, définitivement battue par le bling bling, mais pour le spectre politique, en ce qu’elle clarifie les choses. Il y a désormais un PQ clairement de droite et de centre-droit, lorgnant sur la CAQ et son électorat, qui agitera la « crédibilité économique » et la question identitaire comme axes centraux. Très bien, c’était déjà ce qu’avait fait le gouvernement Marois dans les faits, dans la droite ligne de la gouvernance libérale de Lucien Bouchard, sauf que tout ça ne s’actait pas, on trouvait encore des gens sincèrement progressistes au PQ, un peu comme on en trouve encore au sein du Parti Socialiste Français….

Beaucoup on imaginé que la victoire de PKP effrayait Québec Solidaire et que c’est pour ça que le parti attaquait le magnat de la presse. Sauf que les études d’opinions montrent bien que ce n’est pas du tout sur les solidaires que le PQ-libéral rogne en majorité, la gauche aurait même tendance à en profiter. Il faut alors admettre que c’est simplement deux visions du monde qui s’affrontent, entre une gouvernance-Québécor marqué par l’autoritarisme (que l’on retrouve en politique contre ses concurrents ou les journalistes) et une vision globalisante et inclusive de l’indépendance, pensant aussi bien en terme de mieux-être social que d’environnement ou de redistribution.

À cet effet, si le choix des péquistes m’attriste il ne me surprend pas et à le mérite de poser les choses. Aux prochaines élections, dans trois ans, on verra si la bulle PKP s’est dégonflée (comme tant d’autres avant elle) ou s’il aura réussi à surprendre et gagner une crédibilité à ce jour absente. En tous les cas les projets s’affronteront clairement et sans confusion possible ce qui, malgré un scrutin vicié, c’est toujours une bonne chose.

On me criera qu’il s’agit encore de division du vote indépendantiste, je suis très sceptique à ce sujet. Si demain PKP arrive au pouvoir et veut faire l’indépendance, deux choses hypothétiques, il trouvera nécessairement tous les indépendantistes derrière lui, de gauche comme de droite, de la même manière que les indépendantistes républicains écossais ont soutenu l’indépendance monarchiste du SNP.

Pour le reste, heureusement, être indépendantiste ne veut pas dire uniforme et il reste des gens pour croire que l’indépendance est aussi (avant tout ?) celle montrée face aux lobbies, aux minières, aux puissances financières… sans lesquels elle ne restera qu’une incantation creuse et sans fondement.

 

1. Ses défenseurs mettent en avant qu’il donnait aux « trois partis » par principe de neutralité. Outre qu’il n’y a pas que trois partis, cela montre bien l’image qu’à de la politique un entrepreneur trouvant nécessaire de financer tout potentiel parti de pouvoir « au cas où »... Ce qui n'a rien de rassurant !
2. Sur ce sujet lire l’excellent billet de Sébastien Sinclair « Passer l’arme à droite ».

Crédit image : wikimédia

18 avril 2015

Si j’étais péquiste…

Il n’est pas un mystère d’affirmer que je suis plus proche de Québec Solidaire que du Parti Québécois. Cependant comme le Parti Socialiste français qui vire à droite depuis des années, le PQ ne manque pas de militants et d’élus sincères, de personnes voulant se battre pour rappeler au parti sa ligne originelle. Surtout, le PQ reste LE mouvement indépendantiste aux yeux des médias, comme le PS est LA gauche médiatique en France, quand bien même leurs politiques nationales ne sont ni l’une ni l’autre depuis longtemps. À ce titre, l’élection péquiste influencera le spectre politique et tous les partis indépendantistes, qu’on le veille ou non.

Si j’étais péquiste donc, je n’irais bien sûr pas vers PKP, qui n’a toujours pas de programme et n’a que son passif de patron-voyou et ses gaffes à répétition comme bagage. J’en avais déjà parlé ici, les choses n’ont pas beaucoup changé. L’autre candidat éliminé d’office serait Bernard Drainville, si son expérience est plus solide, il reste le ministre de la Charte et - malgré de légères distances prisent a posteriori - assume le discours le plus identitaire et excluant, un non sens menant parfois à de sinistres erreurs...

Il reste donc trois candidats : Alexandre Cloutier, Martine Ouellet et Pierre Céré. Petit tour de ce que je regarderais si j’étais péquiste…

 

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Alexandre Cloutier

Le profil : Jeune avocat (37 ans) mais avec une solide expérience derrière lui, il a été attaché parlementaire, est député depuis 2007 et a été ministre sous Pauline Marois. Au sein du PQ il incarne l’aile gauche, revendiquant fièrement le « préjugé favorable envers les travailleurs » de René Lévesque. Ne rechignant pas à parler d’indépendance il croit cependant nécessaire d’organiser un mouvement de fond pour porter le projet avant de prendre tout engagement.

Les points forts du programme :

  • Candidat marqué à gauche, c’est un anti-PKP par excellence. Il parle aux syndicats et aux étudiants sans avoir à se forcer. Les médias l’ont bien compris, qui le portent depuis le début comme son adversaire principal, le seul à passer la barre des 10% face au bulldozer selon les sondages (ce qui reste bien trop peu) ;

  • Sa jeunesse est un atout assuré, d’autant qu’il possède une solide expérience politique. Son passage au Ministère délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, à la Francophonie et à la Gouvernance souverainiste n’a pas laissé un souvenir impérissable mais pas de mauvais souvenirs non plus, lui permettant de se targuer de ce statut sans en avoir les casseroles ;

  • Il a conscience de la nécessité de muscler son programmes sur certains points et est entouré d’une équipe solide. Cela lui permet d’avancer régulièrement des positions fortes, ainsi fait-t-il désormais concurrence à Martine Ouellet sur le domaine environnemental, en se prononçant comme elle contre l’exploitation de pétrole de schiste sur l'île d'Anticosti et en défendant un vaste programme de biomasse forestière.

Ce qui joue contre lui :

  • Son statut de challenger favoris le pousse à ne pas être aussi radical qu’il pourrait l’être, à faire des discours plus polissés. Cela lui permettra peut-être de parler à plus large mais peut lui faire perdre les plus à gauche, qui se retrouveront plus chez Pierre Céré ;

  • Le statut de seul adversaire face à PKP reste une construction artificielle qui peut aussi jouer contre lui ;

  • Son choix de proposer qu’un registre reçoive un million de signatures pour l’indépendance avant de lancer tout processus référendaire à le mérite d’être clair, mais le projet est contesté par les organisateurs de 1995 - qui avaient lancé une liste de soutien et n’avait jamais atteint un tel chiffre dans un contexte autrement plus porteur - et est vu par les indépendantistes pressés comme une manière les satisfaire sans prendre aucun risque sur le sujet.

Les soutiens : Le grand jeu est de compter le nombre de députés et ex-députés à soutenir les candidats. Sur ce compte PKP est très largement vainqueur, ils sont plus d’une quinzaine à avoir franchi le pas. Alexandre Cloutier en compte moins, mais de très solides.

Il y a d’abord sa collègue Véronique Hivon, ancienne ministre en charge des Services sociaux et à la Protection de la jeunesse, et notamment du très médiatique dossier sur l’aide à mourir. Grâce à ce dossier elle jouit d’une réelle popularité et, surtout, d’une notabilité auprès des électeurs et médias. Elle a également su tendre la main à Option Nationale.

Autres soutiens très médiatiques, ceux de  Léo Bureau-Blouin et François Gendron. D’un côté un ex-leader étudiant, devenu en 2012 plus jeune député de l’histoire de la Province et qui, une fois battu, a pris à 23 ans la tête des jeunes péquistes. De l’autre le député qui siège depuis le plus longtemps (il a battu le record l’an dernier), élu sans discontinuer depuis 1976, de nombreuses fois ministre et même brièvement président de l’Assemblée nationale. Pas sûr que ça donne une image de rajeunissement mais le pont générationnel fonctionne bien et a assuré à Cloutier autant une image jeune que de respectabilité.

Il bénéficie également de nombreux autres soutiens de quelques autres députés (Gaétan Lelièvre) mais surtout d’anciens élus et ministres comme Louise Beaudoin, Cécile Vermette, Louise Harel ou Serge Ménard. Bref, à ce petit jeu de comptage médiatique il est clairement  le plus riche de tous les autres outsiders.

 

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Martine Ouellet

Le profil : Seule femme en lice, relativement jeune pour la politique (45 ans), c’est une jeune politique puisqu’elle n’est élue que depuis 2012. Militante environnementaliste reconnue, c’est une des conceptrices de la Politique nationale de l'eau, elle devient Ministre des Ressources naturelles juste après son élection. On notera aussi que c’est une des rares candidates (avec PKP) de venir de l’entreprise puisqu’elle a fait toute sa carrière professionnelle comme ingénieure chez Hydro Québec. Un profil plutôt rare à la gauche du parti.

Les points forts :

  • D’abord reconnue comme militante environnementaliste, Martine Ouellet a des convictions claires sur le sujet. Opposée à l’exploitation des pétroles de schistes, défendant un meilleur contrôle des minières (qu’elle n’a pas hésité à affronter quand elle était ministre), opposée au projet d’oléoduc pétrolier, obtenant la fermeture de la centrale Gentilly-2… Elle défend par ailleurs un grand développement de l’hydro-électricité et la création d’une Société québécoise des eaux, deux sujets sur lesquels son expérience professionnelle lui donne de la crédibilité. Comme Alexandre Cloutier elle a mis un cap haut de réduction des gaz à effets de serre, mais ça semble plus naturel chez elle.

  • Elle est assurément la plus nette sur la question indépendantiste et s’est engager, en tant que cheffe du PQ, à réaliser un référendum dans la premier mandat. Cela peut aussi jouer contre elle mais a le mérite de la clarté et lui a attiré le soutien de nombreux indépendantistes.

  • Dans sa campagne, elle n’hésite pas à brandir certaines idées originales, notamment pour recentrer différentes actions au Québec. À ce titre la défense de la création de Télé-Québec, un canal de diffusion d’informations sur la province pour faire face à l’hégémonie de la TV privée fédéraliste, est un marqueur fort de cette nécessaire prise en compte du combat culturel à mener. Étonnamment, aucun autre candidat ne l’a repris.

Ce qui joue contre elle :

  • Chez Martine Ouellet c’est principalement son passé de ministre qui pose problème. En poste sous Pauline Marois elle a accepté l’exploitation du pétrole de schiste dans l'île d'Anticosti, qu’elle combat aujourd’hui. Elle a ainsi rognée une partie de sa crédibilité environnementale, elle s’en défend au titre de la solidarité gouvernementale.

  • Face à PKP il n’y a que des challenger. Considéré comme une adversaire sérieuse, elle subi cependant un vote utile des opposants en directions d’Alexandre Cloutier.

Les soutiens : Aucun député actuel ne soutien Martine Ouellet. Sans surprise elle a cependant reçu le soutien de nombreux militants indépendantistes. Ainsi Nic Payne, ancien chef d’Option Nationale, et 50 militants de ce parti, l’ont appuyé publiquement, tout comme plusieurs candidats du Bloc Québécois. Cela reste léger dans la course médiatique.

 

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Pierre Céré

Le profil : Pierre Céré, seul candidat non-élu, a toujours travaillé dans le mouvement associatif et syndical. Traducteur d’ouvrages militants, rédacteur de plusieurs textes critiques sur le PQ - notamment le virage identitaire qu’il combat vigoureusement -, il s’est fait connaître comme Coordonnateur du Comité Chômage de Montréal et porte-parole du Conseil National des Chômeurs et Chômeuses. Surprise de ce scrutin, détaché de certaines contingences propres aux politiques professionnels, nous nous étions longuement entretenu avec lui en novembre, quand sa candidature était encore incertaine.

Les points forts : C’est le challenger absolu, peu de gens avaient imaginé qu’il puisse se retrouver dans la course. À ce titre, il a déjà remporté sa partie en faisant entendre une voix originale. Ce statut lui permet d’avoir un parlé franc, libre, qui ose poser les questions qui dérangent (notamment à PKP sur Québecor) et en fait le seul candidat qui ne louvoie jamais dans ses réponses. Non-professionnel de la politique, il s’appuie sur une expérience sociale forte et à montré, en réussissant à se qualifier, qu’il était capable de mobiliser.

Ce qui joue contre lui : Jamais élu, battu sévèrement aux dernières provinciales, il n’a jamais dépassé les 2% des intentions de votes. Cela lui donne du confort pour porter des positions radicales qui font du bien mais mettent forcément de côté beaucoup de gens. Autre point compliqué, vu ses positions on a du mal à comprendre qu’il ne soit pas chez Québec Solidaire, il se défend en disant que l’indépendance n’est pas que de gauche mais tient un discours très à gauche en permanence. Pas déplaisant mais cela pose question.

Les soutiens : Outsider parmi les outsiders, Pierre Céré est souvent décrit comme n’ayant aucun soutien. C’est forcément faux puisqu’il a réussi à se qualifier. Ça l’est d’autant plus qu’il possède bien le soutien d’un élu d’importance, un député encore en poste, certes au fédéral et pas au provincial. Il s’agit de Claude Patry, transfuge du NPD passé au Bloc Québécois, ancien soudeur et syndicaliste qui rappelle « Je suis un gars qui vient de la base. J'ai travaillé dans une usine. J'ai toujours fait affaire avec des gars qui ont des problèmes de chômage. Nous avons des affinités ». Un seul soutien institutionnel certes, mais qui sonne juste.

 

Et vous, que retiendriez-vous ?

 

Crédits image : Alexandre Cloutier et Martine Ouellet via Wikicommons / Pierre Céré par Dominic Morissette, site officiel du candidat.

2 mars 2015

Le Front National est l'allié des indépendantistes Québécois. Vraiment ?

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Joël Morneau (Twitter)

Il y a quelques jours on a appris que plusieurs membres du bureau du Comité national des jeunes péquistes avaient préparé un texte contestant la hausse des frais de scolarité pour les étudiants français et décidé de le cosigner avec de jeunes responsables politiques français... Jusqu’ici pas de problème, cette rupture par Couillard d’un partenariat ancien est contestable. Certains la défendent intelligemment, c’est à dire pas seulement avec un angle budgétaire, c’est le cas de Jean-François Lisée par exemple, mais ce n’est pas le débat. Par ailleurs faire un texte transversal des deux côtés de l’océan est logique.

Seulement Joël Morneau, président des jeunes péquistes d'Abitibi par ailleurs soutien de Bernard Drainville, a pour le moins manqué de jugement. Le texte qu’il a initié, présenté devant le conseil éxécutif, voyait plusieurs responsables jeunes affirmer leurs valeurs communes avec le Front National, présentés comme « des amis souverainistes francophones de la France ». Léo Bureau-Blouin a tout de suite signifié la fin de la récré mais a du faire face à une certaine résistance, les membres du conseil étant assez mitigés, le FN ayant salué publiquement l'élection de Pauline Marois en 2012. Finalement le texte a été rejeté et président des jeunes péquistes a expliqué que ses militants manquaient de culture politique française. C’est le moins qu’on puisse dire. De son côté Bernard Drainville a clairement condamné cette initiative malheureuse, lui qui a déjà du mal à se détacher de l’image de « candidat de la Charte » n’avait aucune envie de se voir acoquiner avec un parti d’extrême droite.

Cette inculture gravissime pour un représentant politique - même jeune - n’est pas pardonnable. Si l’on veut créer des ponts avec la politique française, il faut un minimum la connaître. Malheureusement je vois très régulièrement des militants indépendantistes sincères dirent sur les réseaux sociaux que le Front National a raison, est un parti logiquement partenaire des indépendantistes, etc. C’est totalement aberrant.

Il y a bien sûr le fond raciste, complotiste et antisémite du Front National. Ceux qui imaginent que cela a changé avec Marine le Pen se fourre le bras (et pas le doigt) dans l’oeil. D’une part Jean-Marie le Pen, condamné à de nombreuses reprises pour ses saillies racistes, est toujours député européen et élu régional, d’autre part les dérives des élus et candidats FN se comptent par centaines. Le site L’Entente en soulève très régulièrement : ainsi tel candidat FN appelle à tuer les juifs, l’eurodéputée Sophie Montel parle de « l’évidente inégalité des races », des membres sont très régulièrement exclus pour leurs photos de tatouages et saluts nazis (ce qui n’arrive curieusement pas dans d’autres partis), etc. Il faut aussi rappeler que le FN est anti-avortement, opposé aux droits de homosexuels (comparés par de nombreux élus à des pédophiles et zoophiles), pour la peine de mort, anti-syndicats… Pas vraiment la position du PQ, même le plus identitaire.

Mais au-delà de ça, imaginer une alliance PQ/FN est totalement insensée puisque le FN est radicalement opposé à toute idée d’indépendance des nations. Se proclamer « souverainiste » en France n’a pas du tout le même sens qu’au Québec : la France est un pays souverain, le Québec non. Un souverainiste français est d’abord un militant des frontières, anti-Europe, souhaitant radicalement contrôler l’immigration et militant pour une France unie et indivisible.

En effet, la France a une culture politique qui fait que l’état et la nation sont des concepts mêlés. Il paraît totalement insensé à de nombreux observateurs de les séparés, c’est une exception assez rare au sein du monde.

Le FN est au premier lieu dans ce combat d’arrière garde, combattant tous les militants régionaliste. Ainsi le FN s’est déclaré contre l’apprentissage des langues régionales, a milité très fortement contre la réunification de l’Alsace, considère la ministre de la justice Christiane Taubira comme une terroriste parce qu’elle militait pour l’indépendance de la Guyanne, … De manière générale tout ce qui peut avoir trait à l’idée d’indépendance ou d’autonomie d’une des nombreuses nations françaises s’attire les foudres du Front National, un parti construit sur un mélange entre des collaborateurs pro-Vichy et des barbouzes ayant combattu l’indépendance de l’Algérie. Conformément à son idéologie haineuse, raciste et refusant la différence le Front National est donc profondément colonialiste et anti-indépendance - terme qu’il proclame même fièrement pour expliquer son opposition au référendum d’auto-détermination en Nouvelle-Calédonie1

Alors voir M. Moneau dire qu’« Il faut arrêter de voir le FN comme une gang de fascistes et de radicaux »  et comme des alliés de l’indépendance est simplement pathétique et idiot. Le voir conserver ses responsabilités avec une si grossière erreur, qu'il semble à peine regretter, paraît impensable.

Plus loin, lire que Charles Picard-Duquette, président des jeunes péquistes de l'Estrie, ose dire « Moi, je peux signer, j'ai un coloc noir. Ils oseront jamais me traiter de raciste ! » atteint carrément le scandaleux. Le racisme larvé de ce deuxième commentaire, inexcusable et qui appelle a une réponse prompte du CNJ, montre en tous cas que le racisme larvé est très clairement partagé entre sympathisant FN de tous pays...

logo
Logo du FN

 

1De fait, hormis les partis directement régionalistes le seul parti français qui milite pour l’indépendance de ce territoire mais aussi de l’Écosse, défend la réunification du Pays-Basque ou la création de régions collées sur les territoires culturels et siège aux Parlement avec les indépendantistes Catalans ou Écossais sont les écologistes...

4 février 2015

Laïcité mon amour

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Le crucifix de l'Assemblée Nationale du Québec

Laïcité mon amour, ma vieille camarade, j’ai un peu mal au coeur de te voir tant dévoyée et utilisée à tout bout de champ… La France, mon pays, a connu un drame il y a peu, un acte monstrueux, terrible, tout ce qu’on veut. Un acte stupide, qui offrait tout un pan de haine à toute une partie de mon pays, ravis de trouver une nouvelle manière de taper sur les musulmans. Après les attaques de mosquées il y a eu divers actes, plus insidieux, puis ce délire sécuritaire menant à emmener des gamins de huit ans devant des policiers pour répondre d’« apologie du terrorisme »...

Sur facebook je voyais des amis québécois poster sur le thème du « je vous l’avais bien dit », envoyant des piques aux « inclusifs » qui s’étaient si naïvement opposés à la Charte des valeurs - du moins la version qui en a toujours été présenté. Quel drame, quelle erreur, quand justement ces drames semblent montrer tout l’inverse.

Il faut le répéter, la majorité de ceux qui s’opposaient à la Charte étaient contre cette Charte, mais pas contre un renforcement de la laïcité. La version autoritaire et volontiers ostracisante portée par Bernard Drainville était alors la seule possible pour la plupart du personnel politique…Il reste que pour des raisons historique la France a une politique encore plus restrictive que celle proposée en 2012, pour faire simple voici quelques exemples, plus ou moins récents :

  • aucun fonctionnaire n’a le droit de porter un signe ostentatoire (hormis des petits bijoux décoratifs) ;

  • le port de signes religieux distinctifs est formellement interdit à tout élèves de l’école ou du lycée (le cas des université est différents) ;

  • La burqa est totalement interdite dans l’espace public.

Ces règles sont sans nul doute cent fois plus restrictives que la Charte des valeurs, elles enflamment régulièrement les discussions, et tant pis si le port de la burqa ne concerne que moins de 500 femmes sur le territoire. De la même manière il y a eu récemment un ardent débat pour interdire à des mères de familles voilées d’accompagner leurs enfants lors de sorties scolaires. Là aussi, tant pis si cela risque avant tout d’exclure des personnes d’un processus d’inclusion, de les marquer du sceau de l’infamie, alors qu’il s’agissait de volontaires prêts à donner de leur temps pour aider l’école… Heureusement le gouvernement a fini par sonner la fin de la récré, mais cela montre bien que la situation française est à des lieux de la situation québécoise.

J’ai donc du mal à comprendre que des camarades Québécois analyse la situation française pour dire « haro sur l’inclusion ». Rappelons que les trois meurtriers étaient tous français, étaient nés en France, deux avaient été directement élevés par la France (l’assistance publique)... Leur radicalisation est donc avant tout la preuve d’un échec total de l’inclusion. La raison ? C’est évidemment complexe et je n’ai pas la réponse. Mais je doute très fortement qu’enfermer des femmes en burqa chez elles ou qu’empêcher des mères d’accompagner leurs enfants en sorties change quelque chose. Surtout, je ne vois pas en quoi la laïcité est un problème dans tout ça…

La laïcité selon la loi de 1905, rappelons le, c’est d’assurer la neutralité absolue de l’état sur la question religieuse et de permettre à tout le monde de vivre sans religion sans discrimination. C’est donc très loin de lois ponctuelles, généralement amenées par l’ignorance et des faits-divers, qui stigmatisent largement des innocents. On se retrouve avec de délirantes situations où un président en campagne affirme que le premier sujet de préoccupation des français est le halal tandis que l’on a des jours fériés religieux (sans parler de Noël ou de Pâques on compte aussi l'Ascension, la Pentecôté ou l'Assomption…) et que de nombreuses cantines servent du poisson le vendredi sans que personne ne s’en émeuve.

La meilleure réponse à ces dramatiques événements est sans nul doute celle proférée par Jens Stoltenberg, premier ministre norvégien après les attentats d'Utoya et Oslo (70 morts, au nom de la race blanche et de la foi chrétienne) : « Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance. » Cela c’est rappeler qu’en France ou au Québec il ne doit pas y avoir de citoyens de seconde zones, c’est adopter une grande réforme de la politique carcérale pour éviter que la prison soit une machine à récidive, c’est aussi combattre l’ignorance, de tous côtés. L’ignorance de ce qu’est la religion musulmane, juive, ou toute autre, sans doute aussi grande chez la plupart des français que chez ces pseudos fou-d’Allah…

À ce titre une vraie réforme laïque rappellerait qu’il n’est pas nécessaire de durcir des lois françaises déjà délirantes. Pour ma part je regarde avec une pointe de jalousie la société inclusive canado-québécoise, je me prend à espérer un jour ou la France comprendra que l’immigration est son avenir et qu’elle doit chercher à évoluer aux côté de ses néo-habitants plutôt que de se renfermer vers des réflexes identitaires1. Une fusion des deux positions pourrait amener à une réflexion plus mesurée, ou les tenant de l’autorité de l’État (policiers, juges et -je sais que ça fait débat- enseignants) devraient être absolument neutre tout en veillant à discuter plutôt qu’à punir. Ainsi, on évitera de faire de faits très mineurs pouvant se désamorcer par des échanges des clivages indépassables faisant trembler le gouvernement…

Puis, quand on voudra vraiment causer du sens profond de la laïcité plutôt que de stigmatiser l’Islam à tout prix, on pourra se pencher vers des propositions allant dans le sens de la lettre de la lois de 1905. Vous savez, ce genre de discussions scandaleuses qui font pourtant hurler les pseudo-laïcard quand ils se rendent comptent que ça ne touchent plus uniquement les musulmans… Quand Eva Joly a proposé, lors de la campagne présidentielle de 2012, que les employés puissent choisir leur jour férié religieux au lieu de se voir imposer les jours chrétiens (les athées pourront aller à la pêche) part exemple. Ou plus récemment quand Esther Benbassa, sénatrice écologiste et spécialiste de l’histoire juive, demande au sein d’un passionnant rapport contre les discriminations qu’un enseignement laïque du « fait religieux » existe au sein de l’école publique, l’instruction étant le meilleur rempart contre l’embrigadement…

 

1. À ce titre, je réjouis vraiment que Pierre Céré ait réussi à passer le cap nécessaire à la candidature à la chefferie du PQ, ne serait-ce que pour porter ce discours inclusif qui semble si démodé à certains.

 

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16 janvier 2015

L’insoutenable légèreté du bulldozer

Lorsque la fin de l’année est arrivée tous les médias ont fait leur classement des ministres. La pratique est contestable et montre vite ses limites : ainsi un ministre se retrouve mauvais élève dans l’un et révélation dans l’autre. Plus que sur la politique en général, ce genre d’article informait sur les positionnements politiques des médias les publiant. Cependant, parmi tous, il y avait un consensus, un que personne ne voulait sauver, et qui permettait en plus de faciles jeux de mots. Yves Bolduc, ministre de l’Éducation Nationale, est unanimement dernier de la classe.

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Photo officielle d'Yves Bolduc

Faut-il hurler avec les loups ? Il y a tout de même de quoi, surtout que l’enfant terrible est toujours en place et continue ses joyeuses bourdes avec la légèreté du bulldozer. Sa nomination à ce poste était déjà une surprise : ancien ministre de la Santé (il avait d’ailleurs succédé à l’actuel premier ministre), il n’avait pas brillé mais était dans son champ de compétence. Pas de chance le poste avait été promis au transfuge de la CAQ Gaétan Barrette en échange de son retournement de veste… Qu’importe on a donc mis Bolduc à l’Éducation. Surprenant mais bon, il y a parfois des personnes qui se révèlent en poste.

Pour ce qui est du docteur Bolduc, outre l’affaire scandaleuse des primes incitatives qu’il a obtenu comme médecin alors qu’il siégeait à l’Assemblée, c’est avant tout la vision politique portée qui est désastreuse. On n’attendait pas particulièrement les libéraux sur ce sujet, mais sa collègue de la Culture Hélène David, si elle pratique de dures coupes budgétaires, semble le faire avec un minimum de connaissance du sujet. Là, on nage dans le grotesque permanent.

Que restera-t-il de son mandat ? Son étrange pas de deux sur les élections dans les commissions scolaires? Après avoir déclaré que le gouvernement voulait les supprimer, ils les ont finalement maintenus, mais en conditionnant leur survie à la participation (dérisoire, comme d’ordinaire). Peut-être retiendra-t-on le courage politique de celui qui vient d’annuler en dernière minute sa présence au Forum étudiant à l’Assemblée Nationale, par crainte de se faire chahuter ? Ou bien retiendra-t-on son incroyable citation proposant d’économiser le budget de l’éducation en n'achetant plus de nouveaux livres dans les bibliothèques scolaires, celle-ci en possédant déjà beaucoup ? C’est sans doute celle-ci qui marquera l’histoire, collant aux bilan du ministre comme le sparadrap aux doigts du capitaine Haddock

Ces déclarations montrent autant une bêtise et une lourdeur qu’un total mépris des interlocuteurs. Assuré d’être largement au dessus de tous, Bolduc aligne gaffe sur gaffe et reste en place, soutenu par un gouvernement que l’on peine à comprendre.

Cette légèreté de tractopelle me fait également penser à un autre gaffeur en chef qui, lui, a aujourd’hui une grande popularité auprès des médias comme des citoyens. Il s’agit de Pierre-Karl Péladeau, le futur sauveur du PQ, que l’on est obligé de croire sur parole tant son bilan est maigre. En effet, il ne s’est révélé que gaffeur et peu charismatique pour le moment. Après avoir tenter d’intercéder auprès d’acteurs d’un dossier dans l’intérêt d’une de ses entreprises il a fait amende honorable, expliquant découvrir le métier et avoir simplement voulu assurer que la société en question reste québécoise.

Par la suite il a violemment attaqué un journaliste qui s’était permis de l'appeler sur son portable, oubliant qu’en choisissant un mandat public il donnait de fait une autorisation de disponibilité et - surtout - que la pratique n’avait rien d’anormale. On peut condamner un paparazzi, mais il parait difficile d’étendre ce terme à des journalistes voulant donner la parole au sujet de leur papier et l'appelant poliment.

Qu’importe, se réclamant d’un rapport direct aux citoyens, s’exprimant avant tout par facebook, il refuse de s’excuser et rappelle qu’il est libre et ne laissera personne lui dicter sa conduite. Le discours pourrait être intéressant s’il n’était profondément hypocrite. Outre que que Quebecor, société de PKP comporte nombre de médias-poubelles, il détruit aussitôt - et toujours avec la même légèreté - son argumentaire en ne se gênant pas pour publier les coordonnés privées du Premier Ministre...

 Cela fait mal au coeur, mais j’en viens à citer un ministre libéral en diffusion. Difficile en effet de ne pas être en accord avec Jean-MarcFournier quand il déclare « C’est curieux qu’il s’époumone devant vous [les journalistes] lorsque vous utilisez son téléphone cellulaire mais il semble prêt à donner le numéro de téléphone de bien du monde... »

1. Je combat la CAQ, mais au moins sa position est lisible - suppression -, celle du PLQ est insensée et Bolduc n’aide pas à la clarifier.

16 décembre 2014

Pour Godin.

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Gérald Godin par Rémy Simard, extrait d'Auto-Biographie, de Jacques Godbout.

Le 12 octobre 1994, Gérald Godin décédait après dix ans de lutte contre un cancer du cerveau. Ancien journaliste, militant indépendantiste emprisonné lors de la crise d'Octobre 70, enseignant, il se jette en politique en 1976. Candidat péquiste dans Mercier, il obtient une victoire plus que symbolique face au sortant, le libéral Robert Bourassa, alors Premier Ministre !

Son apport politique n'est pas mince, après lui ce fief libéral deviendra un château-fort péquiste, puis solidaire. Outre cette victoire, il est ministre à plusieurs reprises, notamment responsable de l’application de la Charte de la langue française puis des affaires linguistiques. Rien d’étonnant pour cet amoureux des mots et de la langue française.

Car avant tout, Gérald Godin est resté un poète, un député-poète, cela existe même à la fin du XXe siècle. Profitons de la célébration/hommage de son décès pour méditer ce poème fameux entre tous.

 

« T’en souviens-tu Godin ? »

« T’en souviens-tu, Godin

astheure que t’es député

t’en souviens-tu

de l’homme qui frissonne

qui attend l’autobus du petit matin

après son chiffre de nuit

t’en souviens-tu des mal pris

qui sont sul’ bien-être

de celui qui couche dans la neige

des trop vieux pour travailler

qui sont trop jeunes pour la pension

des mille métiers mille misères

l’amiantosé le cotonisé

le byssinosé le silicosé

celui qui tousse sa journée

celui qui crache sa vie

celui qui s’arrache les poumons

celui qui râle dans sa cuisine

celui qui se plogue sur sa bonbonne d’oxygène

il n’attend rien d’autre

que l’bon dieu vienne le chercher

t’en souviens-tu

des pousseurs de moppes

des ramasseurs d’urine

dans les hôpitaux

ceux qui ont deux jobbes

une pour la nuitte

une pour le jour

pour arriver à se bûcher

une paie comme du monde

t’en souviens-tu, Godin

qu’il faut rêver aujourd’hui

pour savoir ce qu’on fera demain ? »

Les Botterlots, éd. de L’Hexagone, 1993

 

10 décembre 2014

Le Parti égalité

L’actualité n’est pas pauvre en ce moment, mais entre les candidatures à la chefferie du PQ qui continuent, l’austérité toujours plus grande des libéraux et les bilans de fin d’année des ministres, il y a comme une impression de redondance. L’objectif de ce blog étant de ne pas répéter ce qui est dit partout, j’ai eu envie de faire un bon en arrière et de parler d’Histoire. Tout comme il me semble important de jouer le jeu comparatif Québec/France dans mes analyses, il m’apparaît essentiel d’avoir un peu de recul historique pour mieux saisir ce qui existe aujourd’hui. Pour cette première note historique je vais vous brosser le portrait d’un parti défunt et assez original dans son positionnement : le Parti Égalité.

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Logo du parti

 

Naissance du parti

À la fin de la 31e législature (1976-1981) il y a cinq partis représentés à l’Assemblée Nationale (Parti Libéral du Québec, Parti Québécois, Union Nationale, Ralliement Créditiste et le Parti national populaire), les élections de 1981 ballayeront cette diversité en instaurant le nouveau bipartisme PQ/PLQ et en rayant l’Union Nationale, ancien grand parti conservateur, de la carte. L’élection suivante (1985) confirmera ce bipartisme, le libéral Robert Bourrassa devenant premier ministre, largement majoritaire avec ses 99 députés face aux 23 péquistes formant l’opposition. Autant dire que l’ambiance est au PLQ triomphant.

Seulement, le PLQ - surtout à cette époque - reste un parti plus “à gauche” que les anciens conservateurs. Surtout, le PLQ revendique la particularité du Québec dans le Canada et contient encore plusieurs membres réellement indépendantistes*, Bourrassa doit donc jongler entre son fédéralisme clair et la revendication nationale des Québécois. Il va donc négocier les accords du Lac Meech, qui vise à faire adhérer le Québec à la Constitution Canadienne en échange de plusieurs concessions comme la reconnaissance de la « Société distincte » Québécoise. Les accords échouent mais marquent les esprits. Bourassa va aussi faire adopter la  « clause nonobstant », qui a permet au Québec d’outrepasser des lois fédérales et de conserver l’intégralité de la Charte de la langue française, notamment l’affichage unilingue.

C’est dans ce contexte que le Parti Égalité est fondé en avril 1989, quelques mois avant les élections générale. Son nom pourrait le faire passer pour un parti de gauche**, ce qui serai une grave erreur. En effet, outre l’égalité linguistique, le PÉ défendra une ligne clairement conservatrice. Mais en 1989 ce sont les questions identitaires qui sont essentielles, et elles jouent à plein, le programme du parti demande notamment :

  • L’affirmation du droit de demeurer Canadien en cas d’indépendance du Québec ;

  • L’obligation de consulter tous les Canadiens et non seulement les Québécois sur un éventuel référendum de partition ;

  • L’abrogation de la 101 (Charte de la langue française imposant le français comme seule langue officielle) ;

  • L’autorisation pour tout Québécois de mettre ses enfants dans une école anglophone (depuis le premier gouvernement péquiste, seuls les enfants d’anglophones ont ce droit) ;

  • La ratification immédiate de la Constitution Canadienne ;

  • Le rejet de la reconnaissance du Québec comme  « Société distincte » ;

  • Une  « responsabilité fiscale »  à tous les échelons, ce qui pourrait se traduire par  « moins d’impôts et moins de fonctionnaires ».

Fort de ce programme très ciblé, le PÉ présente dix-neuf candidats aux élections provinciales de septembre 1989 et, à la surprise générale, obtiennent quatre députés et manquent de peu d’en faire élire cinq autres.

 

 Les députés du Parti Égalité

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Gordon Atkinson& Neil Cameron

Si le PÉ ne s’attendait sans doute pas à un tel résultat dès le départ, les terres d’élections des députés restent peu surprenantes : il s’agit à chaque fois de circonscriptions montréalaises à très forte majorité anglophones qui votent libéraux sans hésiter depuis les années 60 (certaines depuis toujours). Il est à noter que ça n’a pas beaucoup changé, ainsi la circonscription D'Arcy-McGee est encore aujourd’hui le territoire le plus libéral du Québec, le député PLQ y ayant obtenu… 92,2% lors des dernières élections !

Quatre députés sont donc élus :

  • Gordon Atkinson, ex-militaire de 67 ans devenu journaliste sur les radios anglophones, défait le député sortant de Notre-Dame-de-Grâce avec 43% des voix ;

  • Neil Cameron, professeur d’histoire et chroniqueur cinquantenaire, qui s’impose dans Jacques-Cartier avec lui aussi autour de 43% ;

  • Richard Holden, avocat de 58 ans qui avait déjà tenté sa chance comme indépendant en 1962, puis comme progressiste-conservateur en 1976, et arrache la circonscription de Wesmount avec 40%, juste deux points devant le candidat libéral ;

  • Robert Libman, architecte et chef du parti, qui obtient plus de 57% des voix et devient, à 28 ans, un des plus jeunes députés de l’histoire ;

Le PÉ existe donc fortement à l’issu de ces élection, même s’il n’a pas du tout assez d’élus pour faire la balance du pouvoir. En effet, le PLQ conserve 92 sièges et n’a donc pas besoin de se pencher vers sa droite pour gouverner. Grand bien lui prend d’ailleurs, le PÉ explosant rapidement en vol, sans doute victime de son succès inattendu qui créé de multiples querelles d’ego minant sa crédibilité.

Cela commence en octobre 1991 ou Richard Holden est exclu pour avoir enfreint la discipline du parti. En fait, il défendait ardemment les accords du Lac Meech, contre lesquels le parti s’était en partie créé ! Siégeant comme indépendant, il rejoint le Parti Québécois en août 1992. Un choix pour le moins incongru, qui le brouillera avec sa famille et qui sera évidemment rejeté par la plupart des électeurs. Il est à noter que divers témoignages indiquent qu’il avait auparavant voulu rejoindre les libéraux.

Neil Cameron dépose bien le projet de loi 199, qui vise à faire de l'anglais et du français les deux langues officielles dans la province, en 1993, mais les combats internes rendent l’action inaudible. La violence est telle que Robert Libman - pourtant chef du parti ! -, le quitte en décembre 1993 pour siéger comme indépendant. En mars 1994 c’est Gordon Atkinson qui quitte le navire, laissant Cameron seul pour terminer la mandature.

 

L’élection de 1994 et l’avenir des élus

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Richard Holden & Robert Libman

Les élections de septembre 1994 sont cuisantes pour les sortants comme pour le parti qui passe de plus de 125 700 voix à à peine plus de 11 500. Pour ce qui est des quatre députés du PÉ, tous virent leur carrière politique s’arrêter brutalement lors des élections de 1994.

Richard Holden se présente pour le PQ dans Verdun (sa circonscription avait en effet changé de contours) et est largement battu par le sortant libéral. Il est cependant nommé à un poste de haut fonctionnaire à la Régie du logement par le gouvernement péquiste. Souffrant de douleurs insupportables aux dos, il se suicide en 2005 à l’âge de 74 ans.

Gordon Atkiston se représente dans sa circonscription comme indépendant mais n’obtient que 5,4% contre 73% au candidat libéral. Neil Cameron, seul resté fidèle au PÉ, n'en tire pas vraiment bénéfice puisqu’il obtient 6,15%, devancé par le PQ et un libéral caracolant en tête avec 83,6% des suffrages. Aucun des deux ne refera le saut en politique. Atkiston, doyen du groupe, décède début 2006 à 83 ans tandis que Neil Cameron continue une carrière de journaliste et chroniqueur - exclusivement dans les médias anglophones bien sûr - et a même un site sur lequel il publie régulièrement recherches et opinions.

Robert Libman est un cas à part car, malgré sa défaite honorable comme candidat indépendant - un peu plus de 30% des voix -, il contine une carrière politique. Une chose pas si étonnante si l’on se rappelle qu’en 1994 il n’a que 33 ans. S’il n’a jamais été à nouveau candidat à un poste provincial, il est maire de la commune de Côte-Saint-Luc de 1998 à 2001, date de sa fusion avec la ville de Montréal. Il devient alors maire de l’arrondissement de Côte-Saint-Luc–Hampstead–Montréal Ouest et, à ce titre, membre du bureau éxécutif de la ville jusqu’en 2005. Intervenant de temps à autres dans le débat public il appelle notamment à voter pour la CAQ en 2012 et est actuellement candidat à l’investiture pour le parti conservateur dans la circonscription de Mont-Royal en vue des élections fédérales de 2015 .

 

Quelle influence après le déclin ?

Bien que présentant par la suite plus d’une vingtaine de candidats, le PÉ ne réussira jamais à faire réélire un député. Tous sont largement battus et en 2003 le parti récolte à peine plus de 4000 voix pour 21 candidats. Continuant d’être enregistré au près DGEQ pendant plusieurs années, le parti perd finalement sa reconnaissance officielle en 2012.

Le PÉ n’aura donc été qu’un feu de paille, typique incarnation de ce que peut-être la politique québécoise, très prompte à renverser la table sans que cela s’inscrive réellement dans le temps, le passage de l’ADQ en opposition officielle en 2007 en est un autre exemple… Peu influent, le PÉ voit pourtant aujourd’hui ses idées assez portées par des libéraux devenus clairement anti-indépendance, voulant réouvrir le dossier constitutionnel et dont le premier ministre n’hésite plus à ne parler qu’anglais quand il est à l’étranger… On en viendrait presque à regarder Bourassa avec nostalgie.

 

En 1994 Mario Dumont quitte le PLQ pour créer l’ADQ, un mouvement autonomiste qui fait campagne pour le oui lors du référendum.
** Un ami québécois peu impliqué en politique m’a avoué avoir voté pour eux parce que l’égalité lui semblait un bon concept.

Pour aller plus loin :
- Site (conservé en cache) du Parti égalité
- Article de CTV Montréal sur les 25 ans du Parti égalité

Crédit photo : Assemblée nationale du Québec.

27 novembre 2014

Entretien avec Pierre Céré, candidat à la chefferie du PQ

Pierre Céré est avant tout un militant associatif et syndical, particulièrement actif dans la défense des précaires. Coordonnateur du Comité Chômage de Montréal depuis 1997 et porte-parole du Conseil National des Chômeurs et Chômeuses, il a fait le saut en politique pour le Parti Québécois dans Laurier-Dorion en 2014. Sèchement battu, il n’a pas renoncé, a repris son bâton de pèlerin et s’est porté candidat à la chefferie du PQ, défendant un indépendantisme social et inclusif.

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Vous êtes actif dans le milieu communautaire depuis des années, particulièrement auprès des chômeurs dont vous défendez les droits au niveau local et provincial depuis plus de vingt ans. Comment vous êtes vous retrouvé à travailler pour cette population souvent rejetée à la marge ?

En fait, je suis actif dans les mouvements de chômeurs depuis 1979 quand, avec d’autres camarades, nous avons créé le Regroupement des chômeurs et chômeuses de l’Abitibi-Témiscamingue, une région du nord du Québec. Ce sont les circonstances qui m’ont amené là. L’Abitibi est une région minière où le chômage a toujours été très élevé. J’étais déjà actif dans les milieux militants, il y avait ce besoin de créer une organisation de défense des droits des travailleurs en chômage. Nous l’avons fait. Mes appartenances sont là, elles sont toujours demeurées là, avec les travailleurs et les travailleuses, avec leurs problèmes, à défendre leurs droits.

Vous êtes entré en politique lors des élections de 2014, présenté comme un candidat vedette par le Parti Québécois. Comment se lance-t-on en politique quand on est issu du milieu communautaire, n’y avez-vous pas vu un risque ? Comment cette candidature a-t-elle été accueillie par vos collègues, votre environnement et, de l’autre côté, comment vous êtes-vous senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette ?

J’ai acquis cette conviction, au fil des années, que la société que nous avons bâtie au Québec, au cours des dernières décennies, est une société qui vaut la peine que l’on se batte pour elle. On parle du modèle québécois comme d’un modèle de développement économique et social qui nous est propre et qui est fondé en quelque sorte sur la solidarité et le partage d’une partie de la richesse créée. C’est ce qui explique ces outils de développement économique décentralisées et de proximité, réunissant les différentes forces qui animent la société (patrons, syndicats, mouvements sociaux, coopératives, etc.), accordant un rôle accru à l’État; c’est ce qui explique aussi bon nombre de programmes sociaux qui sont propres au Québec, et qui n’ont parfois aucun équivalent dans le reste de l’Amérique. De façon globale, on peut même dire que le Québec a mis en place son propre modèle de développement, souvent à contrecourant du modèle dominant en Amérique du Nord.

En ce moment, avec le nouveau gouvernement élu au printemps dernier, nous avons affaire à une véritable entreprise de démolition de ces acquis. Ce gouvernement, celui du Parti libéral du Québec, dirigé par Philippe Couillard, manifeste une réelle détermination de s’inscrire dans les grands courants conservateurs cherchant à réduire la taille et la portée de l’État.

Est-ce que j’ai vu un risque à me lancer en politique ? Non. Qui n’ose pas, ne risque pas, qui s’enferme dans une certaine routine, se contentant d’un rôle défini et arrêté, participe peu aux changements. La politique devient le prolongement de notre action. Pourquoi laisser la politique aux professionnels de la politique, aux carriéristes et autres « arrangeurs » ? Un célèbre syndicaliste disait que si tu ne t’occupes pas de la politique, c’est elle qui va s’occuper de toi.

Comment ma candidature a-t-elle été accueillie? Par mes collègues d’organisation, très bien. Ils comprenaient le sens de mon engagement. Par d’autres milieux sociaux, portés par d’autres visions politiques? Avec respect je crois. Comment me suis-je senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette? À l’aise, et sans langue de bois.

Avec 15,93% dans Laurier-Dorion, vous êtes largement battu, devancé par le sortant libéral  Gerry Sklavounos (46,19%) et le solidaire Andrés Fontecilla (27,69%). Plusieurs mois après cette défaite, quel regard portez vous sur votre campagne et que feriez-vous différemment ?

Je demeure très fier de la campagne que nous avons menée, des gens qui se sont regroupées autour de ma candidature, du travail que nous avons fait sur le terrain. Il me serait difficile de faire les choses autrement, sinon peut-être de chercher à mieux nous organiser structurellement dès le départ. Sinon, nous avons été emportés par une forte mobilisation de la peur, celle d’un possible référendum sur la souveraineté du Québec, et celle aussi, qui a joué un rôle déterminant dans nos résultats, du projet de charte de laïcité.

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Avec un tel résultat, on aurait pu penser que vous seriez retourné au militantisme, dégoûté de l’action politique. Vous avez pourtant décidé de vous lancer dans la difficile course à la chefferie du Parti Québécois, alors que les candidats ne manquent pas. Quelles raisons principales vous ont poussé à vous engager dans l’arène politique? Par ailleurs, les conditions d’inscription ont évolué mais restent complexes, notamment financièrement; à ce jour pouvez-vous effectivement vous présenter ?

Je suis retourné au militantisme ! J’ai repris mes activités au Comité Chômage de Montréal ainsi qu’au Conseil national des chômeurs (CNC).

Ma candidature à la chefferie s’explique surtout par le fait qu’un groupe de militants et de militantes s’est réuni autour de moi avec cette ferme intention de participer au débat des idées qui animerait le Parti québécois. Et il est devenu clair, au fil des semaines, que participer à ce débat impliquait nécessairement de présenter ma candidature à la direction du Parti québécois. Nous avons réfléchi, écrit, débattu et bâti littéralement nos idées et nos propositions. C’est devenu notre programme. Il est progressiste, il est de justice sociale, il s’inscrit dans ce grand modèle que nous appelons le « modèle québécois ». Nous sommes audacieux, refusons la vieille (comme la petite) politique et croyons que le Parti québécois pour mieux se reconstruire doit impérativement se redéployer dans le mouvement social, se reconnecter sur la population, sur la jeunesse, sur les idées émergentes, finalement sur ce que le Québec est devenu et ce qu’il sera demain.

Notre programme est en ligne : www.pierrecere.org

Les conditions menant à la validation du statut de « candidat » ne sont pas simples. Il nous faut recueillir 2000 signatures en provenance d’au moins 50 circonscriptions et 9 régions du Québec, avec chacune au moins 10 signatures. Cela, sans compter un premier dépôt 10 000$ qui doit être versé avec les signatures au plus tard le 30 janvier.

Je le répète : nous n’avons ni fortune, ni personnel salarié. Nous fonctionnons à l’énergie de l’espoir. Et ça marche ! Nous sommes partout et maintenant confiants d’atteindre la barre des signatures. Pour l’argent, nous lancerons bientôt une campagne citoyenne, 100%, c’est-à-dire 100 personnes donnant chacune 100 $.

Vous êtes un candidat  « surprise » mais vous avez été l’un des premiers à sortir un programme détaillé. Vous y développez une vision d’un Parti Québécois inclusif et socialement juste, ce qui peut paraître s’opposer à la gouvernance passée. Comment jugez-vous la gestion de la Charte des valeurs et de la laïcité, vous qui aviez dénoncé dès 2007 une dérive identitaire du PQ ?

Il est vrai de dire que je suis un candidat « surprise », et je l’assume. Je ne suis pas député, je n’ai jamais fait de la « politique professionnelle ». Je viens des milieux sociaux et je me fais un point d’honneur de rappeler que je viens d’un milieu ouvrier et que mes appartenances sont toujours restées là.

Le projet de société que nous avançons en est un de justice sociale et d’inclusion. C’est aussi un projet indépendantiste qui se conjugue à la diversité culturelle.

Par ailleurs, il est vrai que nous portons un regard très dur sur cette stratégie identitaire qui a animé le Parti québécois depuis 2007. Cette stratégie visait à récupérer à la droite (Action démocratique du Québec) le sentiment identitaire. En faisant du « nous » et du « eux », on a fini par créer ce clivage avec les communautés immigrantes, leur faisant porter le poids d’une menace : celle de notre survie, celle du projet de pays, celle du fanatisme religieux.

Au lieu de travailler à transformer, là où il le faut, nos institutions, nous avons ostracisé. Au lieu de rassembler, nous avons divisé. Le projet de charte de la laïcité aurait pu avoir une approche rassembleuse, on a fait le contraire. Le problème n’était pas d’avancer avec un projet de laïcisation de l’ensemble des institutions d’État, d’établir des balises, mais plutôt dans la forme, dans la façon.

Le Parti Libéral du Québec élabore en ce moment une énorme casse sociale, cependant l’ère Bouchard, puis le mandat de Pauline Marois, ont semblé s’opposer parfois au « principe favorable aux travailleurs » de René Lévesque. D’abord progressiste, on sent aujourd’hui une grande tentation au PQ de séduire les électeurs de la CAQ, partisans de coupes sociales et de l’austérité. Vous vous posez en garant de la justice sociale, que répondez-vous à ceux qui vous disent qu’elle coûte trop cher ou qu’elle est inefficace et comment envisagez vous la redistribution des richesses dans un Québec où vous seriez Premier Ministre ?

Le Parti québécois demeure un parti fondé sur le projet de faire du Québec, un jour, un pays. Il regroupe, sur cette base, des sensibilités plus à gauche, d’autres plus à droite. Il est vrai qu’à l’intérieur du PQ, un courant aimerait un rapprochement avec la CAQ, et donc un alignement marqué à droite. Cela fait partie des tensions normales qui animent un parti politique comme le PQ. Briser l’équilibre existant lui serait fort dommageable.

La redistribution de la richesse, à tout le moins d’une partie de la richesse créée, les instruments économiques et les programmes sociaux que nous avons mis en place comme société demeurent les grands piliers de notre développement. Je poursuivrais clairement dans cette direction : une économie bâtie pour la population, pour ses besoins, construite dans un modèle de développement durable, l’amélioration des conditions de vie. Des propositions comme les « quatre semaines de vacances obligatoires » seraient mises en chantier, d’autres aussi (voir notre programme). Nous nous engagerions de façon très marquée dans une phase de transition visant à nous départir du pétrole, en accélérant le pas pour l’électrification de nos transports. Il y a beaucoup à faire, de nombreux chantiers à mettre en place. Nous formerions un fabuleux gouvernement !

Aux oiseaux du malheur qui nous prédisent toujours les pires cataclysmes, aux idéologues qui préfèrent une réduction de la taille de l’État plutôt qu’un État fort au service de sa population, à ceux qui nous proposent « d’avancer par en arrière », je leur dis : « nous connaissons vos histoires, nous connaissons vos recettes, elles sont sornettes pour l’une et indigestes pour l’autre ».

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Pour ce qui est de l’indépendance, vous proposez de d’abord tenter de négocier un nouveau partenariat avec le Canada, pour plus de dévolution (notamment fiscale), avant de lancer un référendum en cas de refus. N’avez-vous pas peur d’effrayer les plus « pressés », d’autant que rien n’indique que le futur premier-ministre canadien souhaite donner une quelconque autonomie supplémentaire au Québec ?

Notre proposition se résume à l’idée suivante : Souveraineté-association ou Indépendance !

En 1980, nous avons cherché par voie référendaire le mandat de négocier une nouvelle entente fondée sur l’égalité de nos deux peuples (Québec-Canada), par laquelle le Québec devenait le seul responsable de percevoir les impôts et les taxes sur son territoire, acquérant le pouvoir exclusif de faire ses lois et d’établir ses relations extérieures. Nous partons de là, allant chercher ce mandat dans le cadre d’une élection plutôt que par voie référendaire, en d’autres mots, nous éliminons une étape. Une fois élus, nous ouvrons cette négociation à deux, d’égal à égal, de nation à nation. Deux chaises, celle du Québec, celle du Canada. Nous ne négocions pas avec l’ensemble des provinces, comme ce fut le cas lors de l’Accord du lac Meech. Seulement avec Ottawa. L’objectif étant d’en arriver à une entente établissant notre souveraineté dans un cadre associatif. Est-ce que la classe politique à Ottawa aurait suffisamment évolué pour exprimer cette ouverture et mettre en place ce nouveau pacte entre nos deux peuples ? Nous verrions bien.

Mais à défaut de négociation, ou d’en arriver à si peu, devant une possible mauvaise foi, nous fermerons cette avenue après une période d’une année, et engagerons tous nos efforts, toute notre créativité, dans une mobilisation totale vers un référendum appelant à notre indépendance. La question serait simple : « Voulez-vous que le Québec devienne un pays? » Faudrait-il ajouter à pays, le qualificatif « indépendant » ou « souverain » ou tout simplement s’arrêter à « pays » ? Nos militants trancheront !

Notre proposition est claire, notre stratégie se déploiera à visage découvert, au vu et au su de notre population. Nos idées seront exprimées, le chemin que nous voulons prendre sera indiqué. Nous sommes en mode solution et nous comptons arriver à bon port au cours du premier mandat suivant notre élection.

Dans votre programme vous liez fondamentalement emploi et environnement, alors qu’on les oppose souvent. Alors que l’on parle de plus en plus de privatisation de l’électricité et que le gouvernement péquiste de Pauline Marois avait autorisé l'exploration du pétrole de schiste dans l'île d'Anticosti, quelle est votre position sur ces débats ? Et qu’elle vous semble la priorité en terme de protection de l’environnement ?

L’ensemble de nos sociétés se retrouve au même carrefour, et il nous faut choisir : poursuivre ce même développement économique, en bout de ligne irresponsable et assassin de notre environnement et de notre qualité de vie, ou chercher des alternatives qui s’inscrivent dans un développement durable. Le Québec doit de façon solennelle et irrémédiable s’engager dans une phase transitoire pour se départir des énergies fossiles, et poser des gestes concrets, et importants, dans cette direction. Cela implique de mettre en place les structures de recherche, les mécanismes, l’industrie pour assurer à terme que notre transport, l’ensemble de nos moyens de transport, soient électrifiés. En même temps, sachons que cette transition se fera sur plusieurs décennies (trois, quatre, plus ?).

Pendant cette période, si nous continuons d’utiliser du pétrole et autres énergies fossiles, il nous faudra néanmoins en consommer toujours moins. Il faudra tout de même faire des choix : nous le prendrons où ce pétrole au cours de cette transition ? De l’Algérie ? Du Kazakhstan ? Celui des sables bitumineux de l’Ouest canadien ? Pourrions-nous envisager exploiter un pétrole québécois ? Encore faudrait-il connaître ses qualités, ses quantités, la qualité du sol, les impacts environnementaux et ceux possiblement sur la population, les méthodes d’extraction, etc. Et, surtout, ne jamais improviser sur ces questions. Jamais.

Enfin, ce dernier espace vous est laissé libre afin de développer une mesure phare sur laquelle vous n’avez pas été interrogé et que vous aimeriez développer.

La jeunesse québécoise du printemps 2012 a lancé un immense cri sur l’état de notre démocratie, sur nos pratiques. Elle a questionné les frontières peut-être trop étroites de cette démocratie, questionné nos pratiques, les formes de leadership. Il est de toute première importance de lancer un vaste chantier cherchant une refondation de notre culture et de nos mœurs politiques. En la matière, comme en d’autres, nous avons besoin d’une véritable révolution. Le Québec sait les faire « tranquilles » et à la fois systémiques. Allons-y !

 

Entretien réalisé par courriel 
en novembre 2014

 

Pour aller plus loin
Site officiel
Tribune : « Ce que le PQ pourrait être »

Crédit photos : Pierre Céré par Dominic Morissette, site officiel du candidat.

19 novembre 2014

Le futur premier ministre…

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Depuis la démission de Pauline Marois les jeux sont faits. Pierre-Karl Péladeau, magnat de l’industrie devenu député de Saint-Jérôme, sera le futur premier ministre du Québec. Tout le monde est d’accord à ce sujet et, d’ailleurs, un sondage qui vient de paraître affirme que PKP est le seul à pouvoir battre Philippe Couillard lors des prochaines élections générales. Attendez… Les prochaines élections générales ? J’ignorais que le gouvernement libéral était minoritaire et qu’il y aurait des élections sous peu.

Ha, que me dit-on dans l’oreille ? Les prochaines élections auront normalement lieu le 1er octobre 2018 ? Faut-il donc que les médias et les commentateurs aient perdu tout sens politique pour centraliser la plupart de leurs articles sur une « vague PKP » qui n’existe pour l’instant que de manière fictive, l'intéressé n’étant pas encore candidat à l’élection (ce qui, il est vrai, est un secret de polichinelle).Je pourrai ici parler de PKP, détailler ma pensée sur le décalage flagrant entre son discours se voulant gauchisant et sa réalité de patron-voyou, ou sur ses dons réguliers au Parti Libéral du Québec jusqu’à ce que le vent tourne et qu’il se sente puissamment indépendantiste et se mette à contribuer à la caisse du PQ - sa fougue gênant au passage un parti de plus en plus attentiste. Je pourrai aussi expliquer en quoi ça ne serai pas forcément si mal, ancrant définitivement le PQ à droite et laissant une place claire pour la gauche indépendantiste, tout en ne comprenant pas comment certains peuvent voir une menace en PKP pour les solidaires.

Mais je n’ai pas envie de faire ça. D’abord parce que tout ça se trouve déjà dans tout un tas d’articles, même si les trois-quarts sont példeau-béats, mais aussi parce que tout ça est fondamentalement absurde.

N’y a-t’il pas plus urgent à penser quand le gouvernement Couillard tente une dangereuse réforme de la santé ? Que le Ministre de l’éducation dit n’importe quoi très régulièrement jusqu’à proposer de ne plus financer les bibliothèques ? Que l’environnement est de plus en plus menacé par les velléités légèrement différentes mais toutes destructrices des conservateurs fédéraux et des libéraux provinciaux ? Que le Québec ferme un nombre énorme, de manière totalement inconséquente, de ses représentations diplomatiques ?

Alors, parce que les sondages c’est bien beau, c’est même formidable, mais qu’ils sont comme les promesses et ils n’engagent que ceux qui les croient je vais juste me permettre quelques rappels.

En janvier 2012 Pauline Marois était sensée être définitivement coulée, incapable de gèrer son parti. C’était bien simple, il n’y avait qu’une solution pour que le PQ ne sombre pas : qu’elle démissionne et que Gilles Duceppe la remplace. Quelques mois plus tard elle devenait premier ministre.

En mars dernier la même a, de manière très opportuniste d’ailleurs, déclenché une élection à une date choisie, afin d’obtenir le gouvernement majoritaire que tous les sondages lui prédisaient. Las, cette tentative s’est soldée par un échec cuisant et une des plus dures défaites connues par le parti, ouvrant la voie à un gouvernement libéral largement majoritaire.

Remontons en février 2011, à l’époque il était acquis pour tous les médias que François Legault serait le prochain premier ministre. Deux élections générales plus tard, il n’est toujours que le chef de la deuxième opposition.

Mieux encore, vous souvenez-vous d’André Boisclair ? Celui qui, en 2007, mena le PQ à sa pire débâcle, le parti terminant derrière le PLQ et l’ADQ. Unanimement décrié pour son leadership défaillant, ses gaffes et ses difficultés, il était pourtant l’un des homme politiques les plus populaires du Québec en 2005, en somme juste avant d’être élu chef du PQ. On trouvait même 71% des électeurs se disant prêt à voter pour lui même s’il était avéré qu’il avait « consommé de la cocaïne alors qu'il était ministre ? », une véritable love story.

On continue ? Je suppose que vous aurez compris l’idée. Je ne sais pas si PKP sera chef du PQ, premier ministre, s’il retournera à son entreprise ou créera un club de majorettes, mais ce qui est certain c’est qu’il est au coeur d’une bulle médiatique qui l’adule et en fait automatiquement le candidat à élire. C’est sans doute agréable mais c’est très fragile et, mis à part l’opinion, il n’y a pas plus versatile amant que les médias.

Alors posons nous, regardons ce que fait le gouvernement actuel, ce que diront les candidats à la course à la chefferie du PQ quand toutes les données seront connues, et cherchons le débat d’idées plutôt que des chiffres qui ne veulent rien dire. Allons bon, on peut bien rêver...

 

Crédit image : Assemblée Nationale du Québec

11 novembre 2014

Entretien avec Ève Péclet, députée de La Pointe-de-l'Île 2/2

La semaine dernière nous publiions la première partie de notre entretien avec Ève Péclet, députée de La Pointe-de-l'Île, porte-parole adjointe de l'opposition officialle en charge de la justice et présidente du caucus jeune du NPD. Après avoir largement parlé de son engagement et du traité de libre échange Europe-Canada (AECG), suite et fin de l'entretien autours des relations internationales, des lois portées par Mme Péclet et de la jeunesse.

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Sur le sujet des affaires internationales, une actualité brûlante a été la crise israélo-palestinienne. À la Chambre des Communes vous vous étiez fermement engagée pour la Paix et la création d'un État palestinien. On a entendu beaucoup de choses sur le NPD à ce propos, et notamment que les députés ne devaient pas s'engager trop visiblement. Pouvez-vous tirer au clair cette affaire et exposer la position du NPD sur le conflit ?

Le NPD a toujours eu la même position concernant le conflit israélo-palestinien; nous défendons toujours une coexistence pacifique entre deux États indépendants avec des frontières négociées, la fin de l'occupation israélienne en Palestine et la fin de la violence envers les civils. Lors du dernier conflit, nous entrions dans une période décisive en ce qui a trait à la situation entre Israël et la Palestine et nous critiquions la position non-équilibrée du gouvernement canadien concernant ce conflit; «ce que nous avons du côté canadien, sous les conservateurs, c'est le négativisme, les reproches, les attaques et les menaces», avait déclaré notre chef, M. Mulcair. Les conservateurs de Stephen Harper gèrent de façon indélicate et inefficace les dossiers diplomatiques de cette importance et nous voyons les répercussions que cela peut avoir. Nous perdons toute crédibilité comme acteur de soutien et nous minons à la base les efforts de nos alliés pour la paix.

Le Canada devrait jouer un rôle constructif dans la résolution de la question israélo-palestinienne et comme nous l’avons fièrement déjà fait sur la scène internationale à d’autres occasions. Au lieu de se retrousser les manches et d’agir concrètement pour permettre aux négociations entre les deux États d’avancer, le Canada se place en très mauvaise position en prenant parti ce qui met en péril toutes tentatives de négociations et l’empêche de participer aux efforts menés par nos alliés comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Nous appuyons fermement un règlement du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États. Nous demandions donc au gouvernement d’appuyer ces efforts car il est clair que ce conflit ne peut être résolu que si les Israéliens et les Palestiniens s’assoient à la table des négociations.

 

Dans les deux secteurs dont vous vous êtes occupé, pourriez-vous présentez au lecteur un cas emblématique de politique conservatrice que vous avez combattu et les propositions du NPD ?

Au niveau des affaires étrangères, je ne peux passer sous silence les deux décisions prises par le gouvernement conservateur de se retirer du Protocole de Kyoto et de la Convention de l'ONU pour lutter contre la désertification. Cela fait du Canada le seul pays dans le monde à avoir fait marche arrière sur le plan environnemental face aux défis auxquels font face la communauté internationale. C’est une décision qui a été décriée non seulement par beaucoup de canadiens et canadiennes mais, par nombreuses organisations internationales et plusieurs autres États. Je suis prête à admettre que la politique partisane peut jouer au niveau de la politique nationale mais, lorsque l’on représente un État, membre de la communauté internationale, un pays du G7, membre de l’OCDE, le Canada a une responsabilité. Malheureusement, depuis 2006, les conservateurs n’ont pas su faire preuve de leadership et ont clairement miné la crédibilité du Canada aux yeux de la communauté internationale.

Au niveau de la justice maintenant, où devrai-je commencer ? Les principes régissant les politiques conservatrices sont loin de ce que nous connaissons au Canada. « La loi et l’ordre » selon eux. Leur projet de loi C-10 constitue un exemple parfait de l’approche conservatrice en matière justice. Au Québec, nous avons une longue et profonde tradition de réinsertion et de réhabilitation qui guide un peu nos politiques. Pour les conservateurs, ce sont des principes et des valeurs qui n’existent pas. L’ajout de peines minimales obligatoires non seulement enlève le pouvoir discrétionnaire des juges, mais il rend aussi complètement inefficace ce système que nous chérissons ; ce système justement basé sur la réhabilitation plutôt que sur la répression. Les États-Unis, champion de l’approche répressive, commencent à faire marche arrière et réalisent maintenant à quel point ce genre de politiques sont néfastes à long terme. Je lisais justement un article qui donnait en exemple la Floride et le Texas, qui veulent complètement revoir leur approche au niveau de la justice criminelle. Pendant ce temps, nous, au Canada, on fait le contraire, c’est insensé ! Sans vous parler des peines pour adultes imposées aux mineurs ce qui viole les principes fondamentaux de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Je peux aussi faire mention du projet de loi C-13 (anciennement C-30) sur l’accès légal. Les conservateurs veulent à tout prix adopter un tel projet de loi qui donnerait un accès légal aux informations personnelles des canadiens sans mandat aux agents de la paix et aux fonctionnaires publics.

Bref, avec les conservateurs au pouvoir, on régresse que ce soit en Affaires étrangères ou en matière de justice !

 

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Pourriez-vous citer une loi que vous êtes fière d'avoir porté, et votre plus gros regret quant à un projet rejeté faute de majorité ?

Je suis vraiment contente que vous me posiez la question car un des sujets qui m’a poussé à vouloir m’impliquer en politique est la responsabilité sociale des entreprises. De ce fait, j’ai déposé le projet de loi C-584, Loi concernant la responsabilité sociale d’entreprise inhérente aux activités des sociétés extractives canadiennes dans des pays en développement.

Le Canada se trouve dans une situation unique au monde. Plus de 75 % des compagnies minières ou des compagnies qui œuvrent dans le secteur extractif sont incorporées ici.

Dans la majorité des cas, ces compagnies sont actives dans des pays où les populations sont vulnérables, compte tenu de divers facteurs, notamment l'instabilité politique ou une sécurité déficiente. Elles se trouvent aussi dans des pays où le respect et l'application des droits des travailleurs, des droits de la personne et de la protection de l'environnement sont souvent inadéquats ou inefficaces.

Or, je crois profondément que le respect de ces principes ne peut être restreint dépendamment des capacités ou de la détermination des États de remplir leurs propres obligations dans ces domaines. On parle de milliers de personnes qui voient leurs droits fondamentaux violés. Des milliers de personnes qui vivent dans la peur de perdre leur maison, de perdre leur famille ou même qui vivent dans l’éternel cercle vicieux de la violence et de la corruption. Ce ne sont pas les valeurs que nous voulons promouvoir, au contraire !

En 2005, un rapport du comité des Affaires étrangères du Parlement canadien reconnaît les conséquences néfastes qu’ont les activités des compagnies minières canadiennes sur les populations des pays en développement et les abus qui ont été commis. Le plus important est que ce rapport précise que les mesures volontaires ont été inefficaces à ce jour et qu’il faut que le gouvernement revoit sa stratégie. Ce rapport a déclenché plusieurs actions de la part du gouvernement notamment qui ont mené des tables rondes nationales en 2007 sur la responsabilité sociale des entreprises. En 2009, le gouvernement conservateur décide de créé le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises en réponse au rapport des tables rondes de 2007. Par contre, il fait bien attention de ne lui octroyer aucun véritable pouvoir. Le conseiller ne détient ni l'autorité d'enquêter sur des plaintes ni le pouvoir judiciaire d'assurer que les parties impliquées participent de bonne foi au processus d'arbitrage.

Le bilan est un échec total car aucun des six cas soulevés n'a abouti en médiation et même trois de ces cas ont vu les compagnies minières, elles-mêmes accusées de violation des droits de la personne, refuser de participer à la médiation. Tous les cas sont donc fermés, et la première conseillère nommée, Marketa Evans, a démissionné en octobre 2013, un an avant la fin de son mandat. Le poste de conseiller reste toujours inoccupé depuis sa démission.

Malheureusement, force est de constater que rien n’a été fait depuis 2005 car même à la suite des consultations le gouvernement adopte un mécanisme volontaire…qui n’a, à ce jour, absolument rien accompli et refuse toujours d’agir !

En 2011 le NPD a fait élire énormément de jeunes de moins de trente ans, en mai vous avez d'ailleurs été élue présidente du caucus jeune du NPD. En quoi ce caucus consiste-t-il, pourquoi vous semble-t-il aussi important d'inclure les jeunes dans la politique et que répondez-vous à ceux qui vous disent qu'ils n'ont pas assez d'expérience/de diplôme/de connaissances (etc.) pour être députés ?

Il y a une chose qui est claire, l’inclusion des jeunes en politique n’est pas un acquis. C’est dommage, parce que pendant toutes ces années, les revendications et les intérêts des jeunes n’ont jamais vraiment pu trouver leur place dans les politiques fédérales. Et malheureusement, ça se ressent !

C’est une tendance que le NPD a commencé a renverser ! Bon, comme vous le savez, je suis la présidente du caucus des jeunes et je peux vous dire que c’est déjà tout un progrès. En 2008, lorsque Niki Ashton a été élue sous la bannière NPD, c’était la plus jeune femme au Parlement. Par contre, il n’y avait pas caucus des jeunes au sein du NPD… ni des autres partis, je suis certaine de ça. Depuis 2011, c’est complètement différent. On compte 22 député(e)s dans le caucus des jeunes, tous ont moins de 33 ans. Notre rôle, c’est de faire en sorte que les politiques dont on discute au Parlement prennent en compte la réalité vécue par des milliers de jeunes au Canada. On veut donner une place aux enjeux qui les touchent lors des débats. On veut aussi aller à la rencontre des jeunes de partout au Canada, pour les écouter et pour comprendre ce qu’ils besoin que l’on fasse pour eux. On est en quelque sorte la voix des jeunes au sein de notre parti mais aussi, au sein du Parlement. C’est de cette façon que je le vois.

Et ce que je réponds à ceux qui me disent que les jeunes n'ont pas assez d'expérience/de diplôme/de connaissances (etc.) pour être député(e)s ? La meilleure chose à faire lorsque qu’on se sent mal représenté, c’est de s’impliquer et de se représenter soi-même. Ce ne sont pas les politiciens de la vieille école qui vont adopter des politiques pour les jeunes ! Si on veut changer les choses, nous sommes les mieux placés pour le faire !

 

Alors que les prochaines élections approchent, quel regard portez-vous sur vos trois ans de mandats et comment voyez-vous l'avenir ? Et vous représenterez-vous?

Ce n’est pas quelque chose que je cache et je suis très consciente que les gens ont voté pour Jack Layton lors de la dernière élection en 2011. C’est d’ailleurs en partie à cause de lui que j’ai moi-même joint le NPD lorsque j’étais plus jeune. Par contre, les gens ont aussi voté pour le changement, l’espoir et le positivisme que Jack incarnait. Je prends sur moi la prochaine élection, et de ce fait ma réélection, et je pense que ces valeurs ; je les incarne tout autant. 

Je suis fière de pouvoir rencontrer les jeunes afin de rebâtir leur confiance envers la politique et afin de les pousser à s’impliquer, à travailler pour bâtir notre future, celui qui répond à nos aspirations. Je suis très fière de ce que mon équipe et moi avons accompli dans le comté. Je suis allée à la rencontre de la population pour les écouter et les consulter sur autant de sujets possibles. Je suis leur voix au Parlement ! Je me bats pour que leurs droits et leurs intérêts soient entendus par le gouvernement. Que ce soit pour l’assurance-emploi ou Postes Canada, les gens peuvent compter sur moi pour les défendre. Nous avons soutenu les organismes communautaires de La Pointe-de-l’Ile et avons travaillé sur plusieurs de leurs projets. Nous sommes là pour les soutenir ! Ce sera aux gens de La Pointe-de-l’Île de décider en 2015 s’ils me font l’honneur de leur confiance pour un prochain mandat.

 

Entretien réalisé par courriel
de septembre à novembre 2014

Pour aller plus loin 
Site officiel d'Ève Péclet
Page facebook d'Ève Péclet

Crédits images : Photo officielle d'Ève Péclet / Lors d'un rassemblement de soutien en 2013

26 octobre 2014

Entretien avec Ève Péclet, députée de La Pointe-de-l'Île 1/2

Militante associative dans le domaine social, présidente d’Amnistie Internationale dans son université, diplômée en droit, Ève Péclet a été élue députée néodémocrate de La Pointe-de-l'Île en 2011. D'abord porte-parole adjointe de l’Opposition officielle en matière d’affaires étrangères elle est aujourd'hui porte-parole adjointe en charge de la justice. Née en 1988, elle fait partie de ces nombreux jeunes élus arrivés à Ottawa après la vague orange, un statut qu'elle assume et revendique en étant élue présidente du caucus jeune du NPD en mai 2014, avec Pierrre-Luc Dusseault comme vice-président.

Première partie d'un long entretien dont la fin sera publiée la semaine prochaine.

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Avant toutes choses, pouvez-vous décrire votre parcours et ce qui vous a amené à rejoindre le NPD et à en être la candidate ?

J’ai toujours eu une passion pour les gens, pour ce qui se passe autour de moi. Je ne me suis jamais vu comme une personne passive et mon intérêt pour l’implication sociale est venu tout naturellement, à un très jeune âge d’ailleurs. Je crois que c’était plus un besoin pour moi, un peu comme manger ou boire. C’est ce qui m’a permis de passer à travers des moments plus difficiles de ma vie et de rediriger mon énergie sur quelque chose de concret et de positif.

Je me distingue de mes camarades au secondaire en m’impliquant au sein de comités comme Amnistie Internationale et Solidarité Monde. Je mets de l’avant beaucoup d’initiatives et, d’ailleurs, la direction de mon école me remet, lors de ma graduation, un prix pour mon engagement social.

Toute ma vie et mon parcours scolaire sont intimement liés à mon engagement social et je continue de faire du bénévolat dans plusieurs organismes par exemple pour les jeunes décrocheurs ou les personnes itinérantes. Au CÉGEP, je m’implique au niveau de l’association étudiante (à un poste de l’exécutif) et du mouvement étudiant. J’ai continué d’être impliquée à l’Université en tant que présidente et trésorière du comité Amnistie Internationale, vice-présidente du club des débats et gagnante de la 2e place d’un concours de plaidoirie national en droit criminel.

Mon implication politique commence un peu plus tard, après mes 18 ans. Je me rends alors compte que je peux voter, que j’ai une voix et que maintenant, j’ai une certaine responsabilité sociale à être engagée. Je commence à participer aux activités du NPD et devient membre du parti. Je m’implique dans les campagnes de Thomas Mulcair en 2007 et 2008. D’ailleurs, j’étais aussi vice-présidente du comité des jeunes néo-démocrates de l’Université de Montréal.

Bref, c’est un peu mon parcours très militant qui, toute ma vie je crois, m’a amené vers le chemin de la politique. Probablement sans le savoir, jusqu’à temps que je me rende compte que j’avais la possibilité (et la responsabilité) de changer les choses pour ma famille, pour mes ami(e)s et pour tout le monde.

Vous avez été une des nombreuses élues de la vague orange, que beaucoup n'ont pas vu venir. Jeune femme active comment vous êtes-vous intégrée au sein d'un caucus majoritairement masculin, cinquantenaire et fait de nombreux professionnels de la politique ?
Je dois commencer par dire que je n’étais pas seule. Nous avons été près d’une vingtaine de jeunes femmes à faire leur entrée au Parlement en 2011. On pouvait se soutenir ! Ça n’a pas toujours été facile, je dois l’admettre, et ça reste difficile à ce jour. Je l’ai souvent dit : être une jeune femme en politique, c’est hors du commun. On ne répond pas à l’image classique du politicien. La preuve, en ce moment même, lorsque je parle d’un politicien, vous pensez à cet homme d’âge mûr, cheveux grisonnant, costume-cravate non ? Et bien voilà.

J’ai dû travailler fort pour démontrer que j’avais ma place, comme n’importe quel homme, au Parlement. Je suis combative, je suis passionnée. C’était un autre défi pour moi. Mais, le sentiment de devoir se prouver en tant que femme et non en tant qu’individu reste malsain et est, tristement, un des résultats du système patriarcal que l’on connaît depuis toujours. Je ne sais même pas encore ce que je devais vraiment démontrer mais j’ai bien senti que l’idée que je sois capable de bien traiter mes dossiers n’était pas acquise. J’ai eu droit au fameux « tu n’es pas juste belle, tu es aussi intelligente »’ à quelques reprises. Bref, on ne s’attardera pas sur ça !

Je suis bien contente de constater que nos jeunes députées ont su briser ces préjugés. J’espère que nous avons pu ouvrir la porte à une nouvelle génération de femmes en politique !

Vous êtes formée en droit et vous occupez désormais de la justice au sein du NPD, auparavant vous étiez chargée des affaires étrangères, pourquoi ce choix ?

En fait, j’ai commencé au commerce international. J’ai d’ailleurs voyagé en Europe dans le cadre de notre étude sur le traité de libre-échange avec l’Union Européenne. J’ai beaucoup aimé étudier ce genre de dossier et j’avais déjà travaillé sur les règles de commerce international lors de mes études en droit.

Par contre, les affaires étrangères et le droit international ont tous deux toujours été ma passion. On peut le voir dans mon parcours avec ce lien quasi continuel que j’entretiens avec Amnistie Internationale. Ma formation en droit a d’ailleurs en partie été orientée sur le droit international et les institutions internationales. Par contre, la justice et le droit restent mes âmes-sœurs et je ne me vois pas ailleurs pour l’instant.

Le traité de libre-échange fait polémique en France. Beaucoup de partis de gauche ont la crainte d'une négociation donnant tout pouvoir aux entreprises pour briser les lois plus progressistes dans certains pays. Quelle est la position du NPD sur ce sujet et que défendez-vous particulièrement dans l'accord ?
L’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (AECG) est l’accord le plus important négocié depuis l’ALENA. Il serait impossible pour moi de discuter de long en large de toutes les problématiques et enjeux qui y sont reliés en quelques lignes, par contre, il faut noter que le gouvernement canadien a profondément manqué de transparence durant les négociations. En tant que parlementaires, nous n’avons jamais été mis au courant des déroulements des négociations et nous avons été laissés dans le noir total concernant les principaux enjeux sur la table. Nous entreprenions une étude de l’accord sans même en connaître le contenu !

Par exemple, une des problématiques soulevées par nombreuses organisations, y compris le NPD, était la possible inclusion d’un chapitre sur le règlement des différends en matière d'investissement (l’équivalent du chapitre 11 de l’ALENA). Ce genre de mécanisme a été fortement critiqué pour ses effets néfastes sur la souveraineté des États. En pratique, ces mécanismes affectent la capacité d’un État à légiférer ou règlementer des domaines comme l’environnement, la santé publique ou les investissements car ils offrent la possibilité aux entreprises de poursuivre les États pour atteinte aux principes de libre-échange. Le Canada a d’ailleurs été condamné à payer des centaines de millions de dollars en vertu du chapitre 11 de l’ALENA. Nous avons demandé au gouvernement de ne pas inclure de telles dispositions dans l’AECG.

Nous avons aussi des préoccupations concernant la gestion de l’offre des produits laitiers et nous voulons être certains que le gouvernement négocie un traité qui protège nos industries : nombreuses fermes laitières familiales dépendent de la gestion de l’offre au Québec et partout au Canada. Le libre-échange en soit n’est pas mauvais. Dans une économie de plus en plus mondialisée, nous devons permettre à nos industries d’accéder à d’autres marchés tout en adoptant une approche balancée et juste. Nous devons veiller au bien-être de nos industries tout en restant compétitifs. Les gouvernements successifs ont adopté une vision assez simpliste du commerce international en signant des dizaines de traités de libre-échange sans vraiment apporter le soutien nécessaires à nos propres industries. Il faut aussi mentionner qu’il y a des experts dans le domaine de la santé qui ont prévenu le gouvernement des possibles répercussions de l’accord sur les dépenses en matière de médicaments : on parlerait ici d’une augmentation de près de 2 milliards de dollars pour les provinces.

 à suivre la semaine prochaine...

Pour aller plus loin 
Site officiel d'Ève Péclet
Page facebook d'Ève Pécle

20 octobre 2014

Les partielles en question

La rentrée politique au Québec a été marquée par de nombreux débats, parmi eux c'est curieusement un sujet un peu technique qui m'a interpellé : celui des démissions des députés et de leur remplacement. En effet, en à peine un mois deux députés de l'opposition ont démissionné, imposant la tenue d'élections partielles.

Il y a d'abord eu le caquiste Christian Dubé, élu dans Lévis depuis 2012, qui est devenu premier vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec le 15 août. Pour l'économiste, un poste de haut-fonctionnaire de très haut niveau est bien plus intéressant qu'un siège de député, même vedette, de la deuxième opposition du Québec. Celui qui se rêvait ministre des finances a donc quitté son poste et l'élection pour lui succéder a lieu en ce moment.

Le 29 septembre ce fut au tour de la députée péquiste de Richelieu Élaine Zakaïb, elle aussi députée depuis 2012, de jeter l'éponge. Elle s'était présentée auréolée de son statut de femme d'affaire, d'administratrice efficace venue de l'entreprise et avait aussitôt récolté le siège de ministre déléguée à la Politique industrielle. Visiblement, revenir dans l'opposition lui semblait trop difficile et elle a préféré aller prendre la tête de l'entreprise de lingerie Jacob. Ce poste n'a rien d'une sinécure puisque l'entreprise est proche de la faillite et que Mme Zakaïb, qui y a travaillé, a affiché la volonté de sauver cette entreprise. Un vrai défi, mais il reste que pour cela elle abandonne sa circonscription.

 

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Christian Dubé & Élaine Zakaïb

Plusieurs voix se sont levées pour dénoncer ces députés de l'opposition, candidat vedettes débauchés qui, une fois élu, préfèrent quitter l'Assemblée que de siéger sans avoir de pouvoir. On leur reproche leur peu de respect des électeurs, la mise en difficulté de leur parti1 ou, et c'est l'argument qui revient le plus, le coût d'une élection partielle. S'il est un peu triste que ce soit encore une question financière qui pousse les gens à s'interroger, il est vrai que ce n'est pas anecdotique : autour de 600 000 $ par élection !

Les trois arguments me semblent recevables en soit, l'idéal serait de partir de ce constat pour réfléchir autrement la gouvernance : plus de pouvoir pour l'opposition, instauration d'une proportionnelle forçant des majorités concertées etc. Mais bizarrement personne ne propose ce genre de chose, à peine Agnès Maltais ose-t-elle demander une réflexion sur le statut de l'opposition et, indirectement, un meilleur choix des candidats.

Sans faire de grande réforme, le code électoral français peut apporter une solution. En effet en France chaque élu au scrutin uninominal a obligatoirement un suppléant. Ainsi un député élu qui est nommé au gouvernement (inconciliable en France avec un statut de parlementaire), pour une mission longue, ou qui décède est automatiquement remplacé par son suppléant. Bizarrement cela de fonctionne pas en cas de démission, alors que le suppléant d'un autre type d'élu – le conseiller départemental – suppléé en toute circonstance.

Mais dans l'idée, on peut aller plus loin que la règle française, comme toujours bourrée d'exceptions et de bizarreries administratives et imaginer un système simple : chaque député se présente avec un suppléant pouvant le remplacer en cas de départ du poste, quelle qu'en soit la raison (démission, décès, maladie, etc.). L'idéal serait même que le suppléant puisse travailler effectivement durant des période d'absence prédéfinies, par exemple lors d'un congé maternité, une proposition de loi en ce sens a d'ailleurs été proposée et rejetée à l'Assemblée Nationale française – haaa, le pouvoir du patriarcat.


Le Québec aurait tout intérêt à se doter d'une loi de ce type, outre qu'elle évite des partielles coûteuse, elle permet de fournir une première expérience politique au suppléant – qui combat réellement au côté du titulaire –, voir de construire un véritable passage de relais entre un élu et son successeur. Cela aurait par ailleurs l'avantage d'être simple à comprendre et peu coûteux à appliquer... en attendant la véritable réforme démocratique qui se fera sans doute attendre encore quelques trop longues années…

 

1Particulièrement dans le cas de Mme Zakaïb, le PQ n'étant pas du tout assuré de conserver le siège.

15 octobre 2014

Entretien avec Sol Zanetti, chef d'Option Nationale

Fondé en 2011 suite à la rupture du député Jean-Martin Aussant avec le Parti Québécois, Option nationale (ON) a pour volonté de rompre avec la « gouvernance souverainiste » pour remettre l'indépendance au cœur. Loin de se limiter à cette ligne, le parti adopte une ligne progressiste, accompagne les manifestations étudiantes, prend des engagements environnementaux... Lors des élections de 2012, Aussant échoue de peu à se faire réélire quand le parti obtient 1,89% au niveau provincial. L'année suivante, le chef démissionne pour se consacrer à sa famille, laissant ses troupes orphelines. Suite à une course à la chefferie, Sol Zanetti, enseignant en philosophie, a été élu pour lui succéder. Partisan d'un discours assumé, il incarne aussi une certaine jeunesse et une volonté débattre et de réfléchir qui a sans doute manqué ces derniers temps sur la scène partisane.

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Avant d'entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous vous présenter, à travers votre parcours et ce qui vous a mené à rejoindre Option nationale, puis à candidater à sa chefferie ?
Je m’y suis impliqué parce que j’avais confiance en M. Aussant et en ceux qui l’entouraient. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu au Québec un homme politique mettre sa tête sur le billot pour l’indépendance. M. Aussant, en quittant la finance pour la vie de député, avait prouvé qu’il n’était pas là pour l’argent. En rompant avec le PQ qui se dérobait devant sa mission indépendantiste et en fondant un nouveau parti, il mettait son siège et sa carrière politique en jeu. L’engagement clair en faveur de l’indépendance, le discours intelligent et les positions audacieuses d’Option nationale en matière de progrès social et d’environnement m’ont enthousiasmé.


Avant de parler de fonds, parlons résultats électoraux. Malgré un enthousiasme réel (médiatique et militant) Option nationale a subi un rude échec en 2012 avec la défaite de M. Aussant. Le score, faible mais prometteur (1,89%) du parti a encore diminué en 2014 en tombant à 0,73%. Vous êtes connu pour une parole sincère, est-ce que ça a été une déception ? Quelle est votre analyse de ce scrutin ?
On ne s’attendait pas à avoir moins de 1 %, c’est clair. On a été déçus par la faible couverture médiatique de notre parti. Alors que durant la campagne 2012 nous n’avions eu que 1,5% du poids médiatique de la campagne, notre couverture est descendue à 0,21% durant la campagne de 2014. Suite au départ d’Aussant, tous les médias annonçaient notre disparition depuis un an et ça a laissé des traces dans la perception publique. Certains médias avaient pris la décision de ne pas nous couvrir. Ça a été dur, ça nous a mis à l’épreuve, mais ça a forgé notre persévérance. Le lendemain matin de l’élection, j’étais dans une école secondaire pour faire la promotion de l’indépendance devant 200 élèves. Option nationale, c’est comme Rocky Balboa, ça se relève toujours.


Vous êtes enseignant en philosophie, Option nationale a justement mis au cœur de son travail la réflexion sur l'indépendance et la pédagogie. Quel travail mettez-vous en place, où vous semble-t-il nécessaire, pour transmettre l'idéal d'indépendance ?
C’est assez simple. En démocratie, lorsqu’on veut augmenter les appuis à notre projet, on doit en faire la promotion. On doit rendre l’argumentaire accessible, s’adresser à l’intelligence des gens et être fier des idées pour lesquelles on se bat. Et il faut le faire même lorsque les sondages sont contre nous. Ça paraît peut-être évident, mais au Québec, ça faisait un moment que le mouvement indépendantiste dérivait. Il essayait de se faire élire pour d’autres raisons que celle qui devait être sa raison d’être, comme quelqu’un qui tente de plaire en se travestissant pour être plus populaire. Option nationale, c’est le début d’un retour aux sources pour tous les indépendantistes.


Option nationale est un mouvement jeune : parce qu'il a été fondé récemment, mais aussi parce que la moyenne d'âge des militants est très basse. Ce à tel point qu'on a vu le Bloc ou l'aile jeunesse du PQ dire vouloir s'inspirer de vos méthodes. Comment parler à cette jeunesse d'après-95, qui n'a jamais eu à choisir sur le sujet de son avenir ?
Il y a un jeune en chacun de nous. Pour le réveiller chez autrui, il faut soi-même faire preuve de courage. Il faut parler franchement, prendre des risques quand on s’adresse au public, prendre des risques lorsqu’on prend position, se mettre en jeu, montrer qu’on n’a pas peur de perdre. Il faut prendre le risque de l’authenticité. La prise de risque, c’est ce qui suscite la confiance du jeune qui parfois sommeille en chaque citoyen.


À mes yeux, une chose qui distingue Option nationale est sa grande ouverture au monde, à rebours des clichés présentant les indépendantistes comme des sectaires xénophobes. Pouvez-vous développer cette idée d'indépendance inclusive qui vous semble chère ?

Le Québec, à l’image de l’Amérique, a toujours été une terre d’accueil pour les immigrants. Nous sommes un peuple fortement métissé. Métissé avec les Autochtones, mais aussi avec les Irlandais, les Écossais, les Italiens, les Allemands, les Grecs, les Vietnamiens, les Haïtiens, les peuples du Maghreb, de l’Afrique, de l’Amérique du Sud, etc. Par exemple, 50% des Québécois ont du sang autochtone. C’est par la force de notre culture que nous parviendrons à faire en sorte que les enfants d’immigrants reconnaissent le Québec comme leur patrie et qu’ils veuillent participer à construire son histoire.


Cette ouverture au monde se manifeste notamment par une attention accrue à ce qui se passe en dehors des frontières du Québec, notamment au sein des mouvements indépendantistes européens (Catalogne & Écosse) ou récemment en Palestine...
Bien sûr, nous suivons de près les démarches de tous les peuples en lutte pour leur liberté. Les avancées de chacun sont pour nous un encouragement et une source d’espoir. Nos situations sont différentes, mais l’enjeu démocratique fondamental est le même : toutes les nations ont le droit d’avoir leur pays, de prendre elles-mêmes entièrement les décisions qui vont façonner leur avenir. C’est fondamental. Le nationalisme est souvent mal vu par la gauche des nations qui ont déjà leur État. Le nationalisme y est associé, souvent avec raison, à la droite conservatrice. Mais le nationalisme des résistants, de ceux qui se battent pour préserver leur différence et accéder à une plus grande démocratie, est au contraire très progressiste.

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Option nationale s'affirme aussi comme progressiste. Au-delà de l'indépendance, vos positions sur l'éducation, l'économie ou l'environnement sont également en rupture avec le Parti québécois. Pourquoi ce besoin d'affirmer un axe politique au-delà de la seule indépendance ?
Nous sommes avant tout un parti de coalition, mais il faut tout de même proposer des projets de société emballant aux Québécois, des projets susceptibles de mobiliser les citoyens. Le programme d’Option nationale est centré sur l’intérêt national. Les mesures qui y sont proposées visent à la fois la prospérité et la protection de l’environnement, de la culture et de nos intérêts stratégiques. C’est un programme qui se défend bien du point de vue de l’intérêt collectif des Québécois. Bien sûr, il n’existe pas de programme qui parvienne à plaire à tout le monde. L’essentiel, c’est d’être clair sur notre objectif principal, qui est de faire un pays.


Vous vous êtes engagé, avec de nombreux militants d'Option nationale, dans la course à la chefferie du Bloc Québécois en soutenant activement Mario Beaulieu. À la surprise de nombreux cadres et journalistes, il a été élu. Pourquoi cet engagement à ses côtés et comment regardez-vous ses premiers mois de direction ?
Nous l’avons appuyé parce qu’il voulait faire du Bloc Québécois, qui est pourtant un parti fédéral, un véhicule de promotion de l’indépendance au Québec. Il incarnait cette volonté de retour aux sources qui anime le mouvement indépendantiste depuis quelques temps. J’ai été surpris de voir à quelle résistance il a dû faire face au sein même de son parti. Ça en dit long sur l’état du mouvement indépendantiste actuellement. Je pense qu’il est en voie de tenir ses promesses, ce qui est bon signe.

Depuis votre création, beaucoup soulignent des similitudes entre votre programme et celui de Québec Solidaire. S'il y a des différences, plusieurs initiatives ont eu lieu pour que les partis travaillent ensemble, il y a même eu des « pactes de non-agressions » ponctuels en 2012 (pas de candidat ON face à Mme David, pas de QS face à M. Aussant). Êtes-vous favorable, ou au moins ouvert, à des genre de « primaires d'indépendantistes » dans certaines circonscriptions ou la division du vote peut être fatale aux positions de la majorité des citoyens ?
Nous avons toujours été ouverts à la collaboration avec n’importe quel parti qui déciderait de prendre l’engagement clair de faire l’indépendance. C’est même inscrit dans nos statuts. Le problème c’est que le manque de confiance s’est installé profondément dans le mouvement indépendantiste depuis 1995 et les partis ont développé des stratégies complexes et tordues qui rendent hypothétique l’engagement à faire du Québec un pays. Lorsqu’ils sortiront de cette confusion, nous serons ravis de travailler avec eux.

Plus largement, le système électoral vous satisfait-il dans sa forme actuelle et que proposez-vous pour rapprocher le citoyen du politique, au-delà même de la question indépendantiste ?
Il est évident que notre mode de scrutin archaïque, non-proportionnel et hérité de la monarchie britannique favorise un bipartisme conservateur malsain. Il faut vite inclure une dimension de proportionnalité dans notre mode de scrutin. Cela favoriserait l’émergence d’idées nouvelles et aiderait en enrayer le cynisme ambiant. Pour ce qui est de revaloriser la politique, il n’y a pas de solution miracle, il faut que les politiciens fassent preuve d’un authentique courage. Et s’ils n’y arrivent pas, c’est aux citoyens de s’impliquer et de montrer l’exemple.


Entretien réalisé par courriel
en août/septembre 2014

Pour aller plus loin
- Site d'Option Nationale
- Entretien avec Catherine Dorion

Crédit photo : photos officielle issuent du facebook de M. Zanetti

6 octobre 2014

Entretien avec Catherine Fournier, bloggueuse et candidate à l'investiture du Bloc dans Montarville

Dans un territoire gouverné par des élus masculins cinquantenaires, Catherine Fournier dénote. Jeune femme indépendantiste, membre du Bloc Québécois de longue date, elle a tenu un blog sur le site du Huffington Post où elle fait très régulièrement œuvre de pédagogie sur ses sujets de prédilection : économie, jeunesse, réappropriation des ressources, etc. Le 17 juin, elle a annoncé sa candidature à l'investiture pour le Bloc québécois dans Montarville. Le but avoué : être la future députée de cette circonscription de reconquête.

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Pour commencer, peux-tu présenter ton parcours, qu'il soit professionnel/scolaire et militant, et pourquoi avoir décidé d'être candidate à l'investiture pour le Bloc dans cette circonscription ?

J’ai décidé de me lancer à l’investiture du Bloc Québécois dans Montarville, car je ne vois pas comment je pourrais mieux assouvir cette volonté de servir ma communauté, de faire une différence dans mon milieu, de changer les choses. En cette ère de l'individualisme triomphant, c'est à ce jour le meilleur moyen que j'ai trouvé pour passer du « je » au « nous ».

Plusieurs choisissent la politique par opportunisme. Quant à moi, malgré ce que diront certains de mon jeune âge, j'aime à dire que je ne ferai pas de la politique de carrière, mais de la politique de conviction. Car au-delà des belles formules de responsabilité citoyenne, c'est avant tout parce que j'ai des idées que je choisis de faire de la politique.

Je porte en moi un idéal, un projet partagé par bon nombre de mes concitoyens à travers l'histoire, ici comme ailleurs. Je souhaite que le Québec aille plus loin, qu'il aspire à plus que ce que lui restreint le cadre canadien. Je souhaite que le Québec prenne en main tous les leviers nécessaires à son plein développement. Je souhaite que le Québec devienne un pays.

C’est ainsi que j’ai commencé à m’impliquer en politique, du haut de mes 18 ans, d’abord en assistant à des événements çà et là, puis en prenant ma carte de membre du Parti Québécois dans les jours suivant la débandade du Bloc Québécois en mai 2011. À ce moment-là, je n’étais plus certaine quant aux perspectives d’avenir du Bloc Québécois, à l’instar de beaucoup de militants en ces temps difficiles. C’est pourquoi j’ai préféré débuter mon implication au pallier provincial en tant que représentante jeune sur le comité exécutif de Marguerite-d’Youville, circonscription dont Monique Richard était la députée. Avec le redécoupage électoral, j’ai eu tôt fait de déplacer mon militantisme au Parti Québécois de Verchères avec Stéphane Bergeron. Par la suite, mes implications se sont vite multipliées et succédées, qu’elles soient au sein de mon comité de programme au cégep, au mouvement étudiant de 2012 ; auprès d’étudiants étrangers, de nouveaux arrivants ou davantage liées à la politique, tant dans la société civile que dans la politique partisane à proprement parler. À ce propos, je cumule notamment les postes de présidente du Mouvement des étudiants souverainistes de l’Université de Montréal (MÉSUM), de conseillère générale à la Société St-Jean-Baptiste de Montréal, de vice-présidente aux communications de la Fondation Équipe-Québec et de conseillère au Réseau Cap sur l’indépendance. En outre, je siège sur l’exécutif national du Forum jeunesse du Bloc Québécois depuis l’été 2013, étant représentante jeune pour le Bloc Québécois de Verchères-Les Patriotes depuis le début de cette même année, Daniel Paillé m’en ayant convaincue à l’occasion de son passage à l’Université de Montréal dans le cadre de la Semaine de la Souveraineté organisée par le MÉSUM, à cette époque présidé par Jean-François Daoust.

Bref, j’ai rapidement compris que malgré sa mauvaise réputation, la politique permet un contact humain privilégié comme nul autre domaine. C'est un moyen de faire des rencontres, de créer des liens, de parler à travers différentes tribunes, de conscientiser. J'ai envie de redonner espoir à ma génération, à toutes celles qui nous précèdent et à toutes celles qui nous suivront. J'ai l'ardent désir de faire la lutte au cynisme grandissant et d'insuffler le goût d'un projet de société. Je suis convaincue que je peux porter ce rôle de modèle de façon constructive et positive. En tant que jeune, en tant que femme et en tant que citoyenne. Du Québec, mais aussi du monde. Et c'est justement pour faire partie intégrante de ce monde que je nous souhaite un pays. C’est essentiellement pour cela que j’ai décidé de me présenter à l’investiture du Bloc Québécois dans Montarville.

On dit toujours que les jeunes québécois ne croient plus en l'indépendance, qu'ils n'en voient pas l'intérêt. Quelle analyse portes-tu sur les chiffres régulièrement donnés dans la presse ? Et quelle stratégie comptes-tu mettre en place pour conquérir cette jeunesse ?

Le plus récent sondage produit chez Léger Marketing montre pourtant un bond de 10 points dans l’appui à l’indépendance chez les jeunes de 18 à 24 ans au cours du dernier mois, pour atteindre 48%. Le sondeur indique que cela est probablement l’effet de la couverture médiatique importante accordée au référendum écossais. Cela renforce l’idée que les jeunes ne sont pas moins indépendantistes qu’avant, ils n’ont simplement pas été politisés autour de ce débat. Lorsque l’indépendance réapparaitra dans l’espace public, qu’on recommencera à en débattre réellement et qu’on arrêtera de s’attarder à la seule mécanique référendaire, je n’ai aucun doute que les jeunes seront aussi nombreux qu’avant à soutenir l’option indépendantiste. L’indépendance, ça concerne l’avenir et donc avant tout les jeunes. En Écosse, 71% des 16 à 18 ans ont voté OUI lors du référendum du 18 septembre dernier. C’est tout dire ! Il faut donc reprendre le contrôle des termes du débat public sur l’indépendance, recommencer à en parler sur le plus grand nombre de tribunes possibles, à chaque occasion. C’est ce que j’ai commencé et compte continuer à faire sans relâche.

Le sujet étant devenu une sorte de tabou au Québec, il ne faut plus se sentir mal à l’aise de le ramener sur la table, sans quoi on continuera à s’engouffrer. De plus, les jeunes se reconnaissent davantage en les jeunes, par simple principe de modèle. Une jeune parlant d’indépendance est donc nécessairement plus interpellant pour eux que lorsque le projet leur est exclusivement expliqué par des baby-boomers. En ce sens, l’ambition de plusieurs jeunes de se porter candidat pour le Bloc Québécois l’an prochain est une excellente nouvelle pour l’option indépendantiste.

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Aux Jeux du Québec avec Martine Ouellet,
députée péquiste de Vachon

Il y a deux arguments que l'on entend régulièrement contre l'indépendance. Le premier est culturel, expliquant que défendre l'idée de nation est être xénophobe et anachronique dans le monde actuel. L'autre est économique, expliquant que le Québec ne peut survivre seul et qu'il serait entièrement dépendant de la perfusion de la péréquation. Qu'as-tu à répondre à ces arguments, parfois brandis de bonne foi ?

Je pourrais en dire long sur ces deux arguments pour le moins pernicieux. Pour faire court, d’abord en ce qui concerne l’argument culturel, aussi belle puisse paraître l’idée d’une « terre sans frontières », celle-ci ne résiste pas à l’analyse politique fondamentale. En effet, le concept d’État-nation est loin d’être dépassé, étant même en recrudescence à l’échelle planétaire. On n’a qu’à penser aux cas écossais et catalan. La raison est simple : il est normal pour un peuple de vouloir contrôler tous les outils de son développement. Aucun rapport avec une quelconque xénophobie. Devenir un pays indépendant, ce n’est pas un geste de fermeture, au contraire, c’est ce qui permet de s’ouvrir sur le monde. On sait que les décisions se prennent de plus en plus aux niveaux supranationaux. Comment participer au monde si on ne siège pas sur les instances internationales ? Seul un pays peut le faire. Une province n’a aucun pouvoir dans un monde globalisé, ou si peu.

En ce qui concerne ensuite l’argument économique, la péréquation est souvent un mythe mis de l’avant par les fédéralistes pour susciter la peur envers le projet d’indépendance. Pourtant, bien que le chèque reçu annuellement par le Québec soit indubitablement élevé, il faut savoir que le Québec contribue à la cagnotte de la péréquation. Ainsi, le montant net est beaucoup moins élevé que ce que l’on voudrait nous faire croire. De plus, le principe de la péréquation est de compenser les investissements que fait le gouvernement fédéral dans les autres provinces canadiennes. Depuis des dizaines d’années, ce sont l’Ontario et l’Alberta qui sont favorisées par Ottawa via de généreuses subventions à l’industrie automobile et à la production pétrolière. Au final, notons aussi que selon les calculs effectués par l’économiste Stéphane Gobeil, si on ajoute tous les transferts effectués par rapport à la provision de biens et services, le Québec perd au change en faisant partie du Canada. Indépendant, il économiserait 2 milliards de dollars par année, en ajoutant l’effacement des dédoublements administratifs. Cela est sans compter les multiples avantages que conférerait l’indépendance au plan économique : fin du déséquilibre fiscal, administration publique plus efficace, politiques économiques définies selon les seuls intérêts québécois, développement régional stimulé, éventuel contrôle de la politique monétaire avec la création d’une monnaie québécoise, et j’en passe !

La jeunesse en politique était une denrée rare. Quoi que l'on pense de la vague orange de 2011, elle a permis l'élection d'un grand nombre de députés de moins de 30 ans. Quel regard portes-tu là-dessus ?

Sincèrement, j’ai été très critique de l’élection de tous ces jeunes en 2011. La plupart d’entre eux n’était en effet pas prêts pour la politique. D’ailleurs, ils ne cherchaient pas non plus à être élus puisque la grande majorité n’a pas fait campagne. On ne peut donc pas leur reprocher leur élection, il va sans dire. Bien que certains jeunes députés néo-démocrates aient rempli leur mandat avec brio, certains autres ont complètement failli à leur tâche de député. Il faut comprendre qu’ils n’y étaient pas préparés. Dans mon cas, et dans celui de plusieurs autres jeunes qui seront candidats pour le Bloc Québécois l’an prochain, c’est une éventualité qui me motive énormément et que je prépare depuis quelques mois déjà. Lors de l’élection fédérale, le 19 octobre 2015, cela fera près d’un an et demi que je travaillerai sans relâche dans cette perspective. En ce sens, je ne doute aucunement de mes moyens et de mes capacités, malgré mon âge. Je suis certaine que je ferai une excellente députée pour les citoyens de la circonscription de Montarville. Je fixe des attentes très élevées par rapport à mon travail et je suis convaincue que j’y arriverai, avec beaucoup d’ardeur mais aussi, de cœur.

On ne peut pas dire que le Bloc soit au meilleur de sa forme depuis quelques temps. De la sévère défaite de 2011 aux départs de deux députés en passant par la démission du chef en cours de mandat... Quelle leçon tirer de ces moments difficiles et comment redonner espoir dans le Bloc ?

Je crois que dans l’état actuel du moment indépendantiste, c’était en quelque sorte un malheureux passage obligé. Depuis le référendum de 1995, les partis politiques indépendantistes se sont éloignés de leur option au point où aujourd’hui, celle-ci est près de deux fois plus populaire que les principaux partis la portant, le Parti Québécois et le Bloc Québécois.

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Avec Mario Beaulieu, chef du Bloc, lors d'une manifestation
de soutien au peuple Palestinien

Tu as commencé à tracter, rencontrer des citoyens, tenir des assemblées... Comment ta candidature est perçue et quel accueil ton projet et ta jeunesse reçoivent-ils ?

Tout se passe au-delà de mes attentes. Je croyais que ma candidature, puisque je suis jeune, serait accueillie plus froidement par un allégué « manque d’expérience ». Pourtant, les citoyens et les militants semblent particulièrement enthousiasmés du fait que je sois jeune, justement. Puisque je suis bien connue de la communauté et que je suis présente et impliquée, cela doit probablement les rassurer. Ils savent que je suis là pour les bonnes raisons, c’est-à-dire mes convictions avant tout. J’ai le cœur à la bonne place et j’imagine que ça doit se sentir.

Le Bloc a longtemps été vu comme le pendant fédéral du Parti Québécois. Aujourd'hui il existe plusieurs partis indépendantistes au niveau provincial, que faut-il faire pour tous les réunir derrière le Bloc ? La manière dont le parti a soutenu la Charte des valeurs jusqu'à exclure une des leurs (qui a certes, renié ses convictions quelques semaines après) ne risque-t-elle pas de le couper d'une partie de ses électeurs naturels ?

La question de la Charte des valeurs québécoises a effectivement été névralgique pour le Bloc Québécois. À l’époque, l’ancien chef Daniel Paillé avait décidé d’appuyer sans réserve le Parti Québécois dans ce dossier pour le moins épineux. Bien que j’aie compris ce choix, étant moi-même assez favorable au projet de loi (du moins, à son esprit, pas tant à son mode d’application), je crois que c’était une décision questionnable puisqu’à mon sens, le Bloc Québécois doit avoir comme priorité de rassembler tous les indépendantistes, alors que la Charte menait facilement à la division des troupes. Cependant, avec le résultat de l’élection québécoise du 7 avril dernier et les grands changements à la tête du parti, je crois que ce dossier est bel et bien derrière le Bloc Québécois et qu’il peut désormais vraiment aspirer à rassembler les péquistes, les onistes et les solidaires en son sein puisque sa mission a été recentrée sur l’indépendance du Québec avant tout. Il est d’ailleurs le seul parti politique fédéral à promouvoir cette orientation et ainsi, faire valoir les réels intérêts du Québec.

Bien évidemment toutefois, le Parti Québécois demeure le plus grand parti indépendantiste sur la scène politique québécoise et il est dès lors manifeste que le Bloc Québécois doit entretenir une relation particulière avec lui, d’autant plus que plusieurs militants chevauchent les deux organisations.

Imaginons que tu sois investie, puis que tu remportes l'élection, sur quels dossiers souhaiterais-tu te positionner en priorité ?

D’abord, sur tous les dossiers concernant le gouvernement fédéral, je souhaite faire une pédagogie soutenue et continue de l’indépendance en expliquant aux citoyens québécois pourquoi le Québec gagnerait à être un pays. Cela m’apparait essentiel pour démocratiser le projet et le rendre plus concret aux yeux de la population. Il est évident que les enjeux de nature économique m’interpellent particulièrement étant donné que c’est mon domaine (je termine actuellement mon baccalauréat en sciences économiques à l’Université de Montréal). Je suis également très sensible à tous les dossiers qui touchent l’environnement et je m’intéresse beaucoup aux questions internationales. Ensuite, plus spécifiquement pour ma circonscription, je souhaite porter les dossiers importants du transport pétrolier, du pont Champlain, ainsi que de l’aéroport de Saint-Hubert, pour ne nommer que ceux-là. Il est d’ailleurs très important pour moi de rencontrer les administrations municipales afin d’établir mes priorités. C’est un travail que j’ai déjà commencé en rencontrant les maires et conseillers des municipalités de ma circonscription et en assistant aux séances des conseils de ville. Je compte poursuivre en ce sens dans les semaines à venir.

 

 Entretien réalisé par courriel
en septembre-octobre 2014

 

Pour aller plus loin :
- Le blog de Catherine Fournier
- Page Facebook de campagne

25 septembre 2014

D'une indépendance l'autre...

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 Drapeaux Écossais et Atikamekw 

Le scrutin ayant eu lieu la semaine dernière en Écosse a focalisé de nombreux regards au Québec. Il y avait ceux qui l'assumaient, les indépendantistes revendiqués du Parti Québécois et du Bloc - qui avaient envoyés des observateurs - ainsi que d'Option Nationale ou de Québec Solidaire. Tous ont eu un élan de ferveur, d'envie, y ont cru. Bien sûr la déception était là une fois les résultats dépouillés mais qu'importe, l'Écosse avait déjà gagné (pour reprendre le titre d'une chronique d'Amir Khadir) en montrant que par la pédagogie on pouvait passer de moins de 30% d'appuis à 45%. En prouvant qu'un vrai débat pouvait avoir lieu et que face à un gouvernement méprisant une question claire et l'affirmation de ses principes permettait de prendre la main. Au Canada, quelques fédéralistes ont pâlit dans les dernières semaines, tapant sur les indépendantistes s'étant déplacés, fustigeant leur "ingérence" tout en se positionnant contre la partition du Royaume-Uni, un joli paradoxe ! Mais maintenant que le scrutin est passé, après deux ans de campagne, il serait malvenu de tourner la page pour ne plus regarder que vers la Catalogne, qui vient d’officialiser la tenue de son référendum d’autodétermination contre la volonté de Madrid.

Si les observateurs indépendantistes ont tous salué un énoncé très clair, peu ou prou « Voulez-vous être indépendant oui ou non ? », très loin du délirant énoncé du référendum de 1995 qui a traumatisé plus d'un québécois1,  s'arrêter à cela pour analyser le relatif succès du Parti National Ecossais serait un peu court. Il faudrait rappeler d'abord que le Gouvernement de Salmond a toujours prôné une indépendance douce, finalement pas très éloignée de la dévolution maximum aujourd'hui obtenue : Monarchie conservée, tout comme la livre, la place dans l'OTAN et l'Union Européenne. Les Républicains indépendantistes en sont pour leurs frais mais ce n'est pas forcément idiot d'y aller par étape et une indépendance même insastifaisante sur certains points vaut mieux qu'une « gouvernance souverainiste » dans une confédération.

Ensuite, et c'est là que le bât-blesse, le gouvernement indépendantiste promettait une vraie rupture politique avec le gouvernement conservateur, liant progressisme et indépendance, avec en chef de file la santé et l'éducation gratuite. Le Parti Québécois, qui a pris le pli austéritaire depuis les années Bouchard et semble ouvrir ses bras à l'ultra-libéral Pierre-Karl Péladeau, devrait ouvrir les yeux là-dessus et se rappeler du « préjugé favorable aux travailleurs » qui avait fait le succès du PQ de René Lévesque.

Enfin, et le fossé est ici encore plus grand, Alex Salmond a fait du débat sur l'indépendance une grande question à la fois émancipatrice et intégrante, loin du rejet du « vote ethnique » et du clivage facile sur l’ostracisation, le SNP a tout fait pour convaincre les immigrés qu'ils étaient des écossais comme les autres, puisqu'ils vivaient là, et qu'ils avaient tout intérêt à l'indépendance. Le travail a porté ses fruits, le vote indépendantiste ayant augmenté régulièrement chez ces populations. Loin d'un prétendu  « vote communautaire », le SNP a simplement cherché à parler à toute la population, une idée que le Parti Québécois ferait bien de conserver en tête pour la prochaine fois…

Cette vision large, inclusive, positive, peut d'ors et déjà s'incarner sur le territoire. Ainsi, quand les Atikamekw, nation autochtone de Mauricie, se sont proclamés souverains sur leur territoire suite à un jugement de la Cours Suprême à propos d’une autre nation, les indépendantistes de tous bords auraient du saluer l’initiative. Pourtant, le conflit ayant mené à cette autoproclamation (une question financière, liée à l’exploitation de la forêt) oppose Québec et les Atikamekw depuis bien longtemps, y compris quand Pauline Marois était première ministre ! L’indépendance à deux vitesses n’a pas de sens et ceux qui prônent la « libération du peuple Québécois » ne devraient pas oser le faire s’ils ne se battent pas dans le même temps pour les premières nations, bien plus opprimées qu’eux.

Ces deux combats doivent se mêler, se rejoindre, pour porter une parole convaincante, et peut-être convaincre l'honnêteté du projet indépendantiste. Mais sans ce premier acte de dialogue d’égal-à-égal, cette reconnaissance du droit des autochtones à posséder, exploiter ou protéger leur territoire - ce qui revient nécessairement à faire perdre terres et ressources au Québec -, toute grande déclaration n’est que du vent.



1 En effet, la question de 1995 était loin d'être sybilline : « Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995 ? »

20 septembre 2014

Entretien avec Charmaine Borg, députée de Terrebonne-Blainville

Un rythme un peu difficile à reprendre en cette rentrée, faute à pleins de choses, mais en l'attente d'une nouvelle chronique (les sujets ne manquent pas) voici un entretien avec jeune députée en charge d'enjeux qui m'intéressent particulièrement.

Née en novembre 1990 et très tôt touchée par la politique, Charmaine Borg fait partie des « Cinq de McGill », ces étudiants de l’Université devenus députés néodémocrates en 2011. Une fois la surprise passée, elle a pris ses marques à la Chambre des communes, devenant une spécialiste des questions numériques sans pour autant oublier ses premiers engagements : le social et l'environnement.

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Pour commencer pouvez-vous décrire le parcours qui vous a amené à vous engager au NPD et à porter ses couleurs au Québec ? Vous étiez une militante impliquée, mais ne vous attendiez pas du tout à être élue, comment se sont passés les premiers jours après votre élection ?

Depuis l’adolescence, le NPD a toujours été le parti de mon choix. Je l’ai choisi pour ses politiques sociales, pour sa position en matière d’affaires étrangères ainsi que pour le dynamisme de son chef. À l’âge de 17 ans, j’ai commencé à m’impliquer plus sérieusement au sein du NPD comme bénévole et militante. Au fil des années, je me suis engagée davantage en siégeant sur le conseil exécutif du comité des jeunes néodémocrates du Québec et sur le conseil exécutif du club NPD à l’Université McGill. J’ai aussi eu la chance de participer activement à plusieurs campagnes électorales. Comme notre parti tient particulièrement à encourager la présence des femmes et de la jeunesse en politique, on m’a offert de me présenter aux élections fédérales de 2011 ; offre que j’ai acceptée sans hésiter.

Les premières journées suivant mon élection furent très occupées. En effet, je souhaitais dès lors prendre en charge mes nouvelles responsabilités afin de bien représenter les citoyens de ma circonscription. Je suis donc allée à leur rencontre pour mieux connaître leurs priorités et ainsi, mieux orienter mon travail parlementaire.

 

Avant d'être élue vous suiviez des études de sciences politiques avec une spécialisation sur l'Amérique latine, pourquoi ne pas avoir voulu vous spécialiser dans les relations internationales ?

D’abord, je suis et serai toujours interpellée par les relations internationales de mon pays. Cependant, être intéressée par un enjeu spécifique ne signifie pas nécessairement être la meilleure personne au sein d’un groupe pour défendre le dossier. Dans le cas du caucus NPD, il y avait déjà un député qui possédait une vaste expérience et une excellente réputation en matière d’affaires étrangères. Puisque notre chef nomme les membres du cabinet fantôme en fonction des compétences, de l’expérience et du mérite, il était tout à fait logique que mon collègue se voie attribuer ce dossier de porte-parole. De mon côté, ça m’a permis de découvrir et de me concentrer sur un autre domaine passionnant, soit celui des enjeux numériques, et je suis très heureuse de la tournure des événements !

 

Petit à petit, vous vous êtes affirmée comme la spécialiste des enjeux numériques. Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre en main ce sujet très technique et pourtant fondamental ?

À la suite de mon élection, j’ai été nommée sur le comité permanent de la justice et des droits de la personne. Peu de temps après, le comité devait se pencher sur un projet de loi contenant diverses mesures sur l’accès légal aux renseignements personnels et j’ai pris en charge l’étude de ce sujet. De fil en aiguille, mon travail sur les enjeux liés à l’accès légal ainsi que sur le projet de loi C-30 fut reconnu par mes pairs et par différents experts du domaine numérique. Par conséquent, Thomas Mulcair m’a nommé porte-parole des enjeux numériques lors du réaménagement du cabinet fantôme. Aujourd’hui, je suis très fière d’être la plus jeune députée à avoir été nommée au sein du cabinet fantôme.

 

On présente souvent les enjeux numériques comme un gadget, une question mineure. Imaginons que vous êtes face à un citoyen sans connaissance particulière d'internet, qui ne fait qu'y lire ses courriels par exemple, comment lui expliquerez-vous l'importance de votre travail ?

C’est un excellent exemple, car la simple action de lire ses courriels implique divers enjeux très importants. D’abord, l’accès à une messagerie électronique nécessite obligatoirement l’accès à Internet. Idéalement, la connexion Internet de tous les Canadiens serait caractérisée par une vitesse relativement élevée et un prix abordable. Puisque le Canada est un grand pays comprenant plusieurs régions peu peuplées, offrir à tous les citoyens un tel accès à prix abordable, peu importe leur emplacement, représente un défi de taille. Voilà donc l’un des enjeux sur lequel je travaille en tant que porte-parole.

De plus, le fait d’avoir un compte courriel implique nécessairement que la personne concernée partage certains de ses renseignements personnels avec le monde numérique. Je ne crois pas me tromper en affirmant que cette personne tient à ce que ses renseignements soient bien protégés et ne soient pas utilisés, sans son consentement, par l’État ou le secteur privé. Ceci est un autre sujet sur lequel je travaille à titre de porte-parole des enjeux numériques.

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Charmaine Borg signant son assermentation, 2011

Avec les révélations de Snowden et les scandales qui ne cessent d'éclater sur la manière dont les données des particuliers sont traitées, comment a réagi le gouvernement conservateur et que feriez-vous différemment ?

À mon avis, plutôt que de corriger la situation, le gouvernement conservateur a fait le contraire. Alors qu’ils auraient pu mettre en place des mécanismes pour superviser toutes les demandes d’accès aux renseignements personnels effectuées par la GRC et les autres agences de surveillance, les conservateurs ont proposé, dans deux projets de loi distincts (S-4 et C-13), des mesures facilitant le partage de renseignements personnels entre le secteur privé et public, sans mandat et sans consentement.

La Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques doit être mise à jour et c’est ce que j’exige de ce gouvernement. Par exemple, il faut corriger les lacunes présentes dans la Loi qui permettent aux agences gouvernementales canadiennes d’obtenir les renseignements personnels des Canadiens détenus par les fournisseurs d’accès Internet. J’aimerais également qu’un mécanisme de supervision soit mis en place pour s’assurer que les agences de surveillance respectent la vie privée des citoyens canadiens. De plus, je modifierais les projets de loi S-4 et C-13 afin d’éliminer tous les articles facilitant le partage de renseignements personnels sans mandat et sans consentement.

 

Au-delà du numérique vous êtes fortement impliqué dans les causes sociales et environnementales. Sur ces sujets, le bilan conservateur est lourd... Alors que le Canada s'est retiré du protocole de Kyoto, pensez-vous qu'il soit encore possible d'inverser la tendance ?

Certainement, mais pour ce faire, il faut un changement de gouvernement. Le Canada mérite un gouvernement qui mettra la protection de l’environnement et le développement durable à l’avant-plan de ses politiques… et c’est ce que propose le NPD. Je crois qu’en instaurant un système du pollueur payeur, en faisant des investissements importants dans l’économie verte et en appliquant bien les Lois environnementales canadiennes, notre pays se portera déjà mieux.

 

Le nombre de jeunes élus a été très important lors de l'élection de 2011. L'engagement des jeunes était un de vos combats avant votre élection, comment perpétuez-vous cet engagement ?

À titre de jeune députée, je souhaite surtout encourager les jeunes à prendre leur place sur la scène politique. Pour ce faire, je vais souvent dans les écoles pour parler aux jeunes et leur présenter mon travail. J’essaie constamment de les inclure dans le processus démocratique en leur présentant différents enjeux qui pourraient les intéresser. J’ai également animé un atelier lors duquel des élèves du secondaire rédigeaient un projet de loi sur les minéraux de conflits. Ce fut une incroyable expérience ! De plus, j’ai organisé un concours de rédaction de projet de loi pour les jeunes du secondaire qui les incitait à aborder un sujet qui leur tenait à cœur.

 

Beaucoup critiquent la crédibilité des jeunes élus, que leur répondez-vous ? Le fait d'être élue avec cinq autres étudiants (dont quatre de la même université) a-t-il été une force ?

Si les gens examinaient le travail que tous les jeunes élus ont effectué au Parlement et dans leurs circonscriptions respectives, je crois qu’ils réaliseraient rapidement que nous travaillons fort et avec passion. Plusieurs des jeunes députés néodémocrates sont responsables de dossiers importants au sein du cabinet fantôme et jouent des rôles essentiels au sein des comités parlementaires auxquelles ils siègent. À mon avis, le fait d’être plusieurs jeunes politiciens dotés d’une feuille de route impressionnante démontre à la population canadienne que les jeunes ont leur place en politique.

 

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Pouvez-vous présenter un projet de loi ou une motion que vous avez défendu qui vous a particulièrement tenu à cœur lors de la mandature ?

Selon un ordre préétabli, tous les députés ont l’occasion de proposer un projet de loi qui sera voté par la Chambre des communes. J’ai donc présenté le projet de loi C-475 qui visait à mettre à jour la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques afin de mieux protéger les Canadiens dans l’ère numérique. L’objectif de mon projet de loi était d’instaurer un mécanisme obligatoire et efficace d’avertissement lors d’atteintes aux renseignements personnels des Canadiens. Parallèlement, mon projet de loi cherchait à inciter les organisations du secteur privé à respecter la Loi – trop souvent ignorée à l’heure actuelle – en accordant au Commissaire à la protection de la vie privée du Canada le pouvoir de rendre des ordonnances.

Malgré l’appui de tous les membres de l’opposition, le projet de loi n’est malheureusement pas passé à l’autre étape du processus législatif, bloqué par les conservateurs. Paradoxalement, le même gouvernement conservateur qui a voté contre mon projet de loi s’est inspiré de plusieurs des propositions présentes dans C-475 pour rédiger son propre projet de loi S-4.

 

 Dans six mois, votre mandat touchera à sa fin. Quel bilan pouvez-vous tirer, quel regard portez-vous sur ces quatre ans et sur le milieu politique et vous représenterez-vous ?

Je suis très heureuse de mon mandat jusqu’à présent. Quand j’ai été élue, je souhaitais être une députée accessible et à l’écoute des citoyens. Plusieurs d’entre eux étant désabusés par la politique, je voulais bâtir un climat de confiance entre les gens de ma circonscription et leur représentante sur la scène fédérale. C’est pourquoi j’ai fait beaucoup de porte-à-porte et j’ai organisé de multiples activités et séances d’information. De par ma façon de gérer les dossiers de citoyens, j’ai le sentiment d’avoir été présente pour eux. Au parlement, je voulais être une voix forte pour les gens de ma circonscription tout en défendant les intérêts des Canadiennes et Canadiens en matière d’enjeux numériques. J’ai donc travaillé sans relâche et aujourd’hui, je crois sincèrement avoir atteint mes objectifs.

J’adore mon travail et j’aime aider les gens. C’est ma passion. Pour moi, la politique est l’ultime façon de participer au bien-être collectif. C’est donc avec la conviction que nous méritons mieux qu’un gouvernement conservateur que j’aurai le plaisir de me représenter comme candidate lors des prochaines élections fédérales.

 

Entretien réalisé par courriel 
en août-septembre 2014

Pour aller plus loin :
Site officiel de Charmaine Borg
Page facebook officielle
Compte Twitter officiel
Présentation vidéo de la députée

3 septembre 2014

Entretien avec Alexandre Leduc, ancien (et futur) candidat solidaire dans Hochelaga-Maisonneuve

Historien de formation, ancien militant étudiant, Alexandre Leduc travaille aujourd'hui comme organisateur syndical à l'Alliance de la fonction publique du Canada. Très impliqué dans les luttes sociales, c'est aussi un fervent indépendantiste, ce qui l'amène assez naturellement à rejoindre Québec solidaire. En 2012 et du haut de ses 27 ans, il se jette dans l'arène politique. Candidat dans Hochelaga-Maisonneuve, un fief péquiste de Montréal, il emporte un des plus hauts scores du Québec (23,69 %), terminant deuxième et devenant « l'opposition officielle » locale.
En 2013 il est candidat au poste de porte-parole-président de Québec solidaire mais est battu par Andrès Fontecilla, son voisin de Laurier-Dorion. Loin d'être démotivé par cette défaite, il repart à l’assaut d'Hochelaga-Maisonneuve en 2014, augmentant son score de près de 10% et manquant de peu l'élection. Bien parti pour venir augmenter le caucus orange à l'Assemblée dans quatre ans, il profite du temps donné pour quadriller le terrain et réfléchir à l'action politique.

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Photo de la campagne de 2014

Avant de commencer l'entretien peux-tu présenter ton parcours et ce qui t'as amené à t'investir au sein de Québec Solidaire jusqu'à en porter les couleurs ?

Je suis issu d’une famille de la classe ouvrière qui a pu survivre en partie grâce au filet social de l’État (frais de scolarité bas, éducation gratuite, santé publique, salaire minimum, etc). Je ne viens pas d’une famille à tradition militante quoiqu’elle avait des valeurs de partage et de solidarité très fortes basées sur le vieux fond judéo-chrétien qui caractérise encore une partie de la social-démocratie québécoise contemporaine.

C’est vraiment à l’université que je me suis réalisé politiquement, à travers mes études en histoire (au cours desquels j’ai été en contact avec les théories marxistes) et le mouvement étudiant (où j’ai développé des pratiques militantes). J’ai approfondi ces apprentissages dans le mouvement syndical par la suite où j’ai pu militer ouvertement à Québec solidaire, le seul parti qui représentait l'ensemble de mes valeurs : progressisme, indépendantisme, écologisme, féminisme.

 

Vu de l'extérieur, le tissu syndical a encore l'air solide au Québec, pourtant les gouvernements successifs ont pris des mesures très violentes. Dans la fonction publique, on sabre des emplois de manière drastique. Je pense notamment à Hydro-Québec où le PQ a fait des coupes très violentes. Toi qui es à leur contact tous les jours, comment le vivent les salariés ? Et y a-t-il des impacts sur les services ressentis par les usagers ?

Au Québec, environ 40% des travailleurs sont syndiqués. C’est le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord. Pour la gauche, c’est la raison pour laquelle nous avons au Québec une des sociétés les moins inégalitaires de cette région du monde. C’est d’ailleurs au Québec que la contestation contre la réforme du gouvernement fédéral sur l’assurance-emploi est la plus forte.

Le démantèlement de l’État est un projet partagé autant par le PLQ, la CAQ et le PQ. Bien sûr, ces trois partis savent qu’ils ne peuvent pas le mettre en pratique de manière frontale, donc ils utilisent la technique du goulot d’étranglement. En prenant comme excuse l’austérité, vous réduisez substantiellement le financement des services publics, rendant presque impossible le maintien de leurs services et l’accomplissement de leur mission, ce qui frustre les citoyens et l’opinion publique. Le fruit est mûr pour les privatisations partielles et encore plus de coupures.

Les salariés du secteur public livrent bataille. Les centrales syndicales développent des solidarités dans le cadre d’un Front commun qui donne des résultats inégaux. En ce moment, une très grosse bataille se prépare sur le front des fonds de retraite que le gouvernement veut charcuter, notamment à cause de quelques maires de municipalités en manque d’attention médiatique.

Cela dit, un des principaux défis du mouvement syndicat dans les prochaines années sera de s’assurer une relève et d’intégrer des travailleurs issus de l’immigration dans ses structures.

 

Une critique constante faite à Québec Solidaire serait d'être, dans le meilleur des cas, totalement utopiste voire, dans d'autres cas, violemment opposé à l'entrepreneuriat. Que réponds-tu à ces assertions et quelles propositions portent QS pour l'entreprise ?

C’est le lot de plusieurs partis de gauche en Occident. Dès qu’on parle de mieux redistribuer la richesse, on se fait accuser de ne pas être sensible au fait de devoir en créer d’abord. Pour QS, il est possible de faire les deux en même temps.

Nous avons des propositions intéressantes dans notre programme à ce sujet, notamment en matière de délocalisation d’entreprise. C’est un non-sens économique complet de laisser une entreprise rentable fermer ses portes dans un quartier ou dans une ville et de la regarder partir ailleurs les bras croisés. Après une étude économique qui démontre la rentabilité de l’entreprise, QS propose de mettre en place un cadre législatif qui faciliterait la reprise d’entreprise en la transférant à une coopérative de travail.

Nous voulons également soutenir les PME via l’augmentation du pouvoir d’achat de l’ensemble des citoyens. Que ce soit en augmentant le salaire minimum ou en facilitant l’accès à la syndicalisation, nous croyons être en mesure de stimuler la consommation et ainsi augmenter les revenus des PME.

Avec son plan de sortie du pétrole, QS vise à stabiliser le huard (dollar canadien), qui est en ce moment complètement dopé par l’exploitation et l’exportation du pétrole sale albertain. Les économistes appellent ce phénomène le « mal hollandais » Il nuit fortement à ce qu’il reste du tissu industriel québécois qui doit, en matière d’exportations internationales, composer avec une devise trop forte par rapport à l’économie réelle.

 

Un de tes axes de combat pour le porte-parolat de Québec Solidaire était de mettre en avant la question d'indépendance. Malgré un programme clairement indépendantiste, on reproche en effet souvent à QS sa tiédeur sur le sujet. Comment l'expliques-tu et comment souhaites-tu le combattre ?

C’est en effet un constat que je mettais de l’avant durant la course interne à QS. S’il faut reconnaître que QS a un problème sur le sujet, il faut également reconnaître que c’est un problème de perception. Si on analyse le discours et les textes émanant du parti depuis sa création, il faut vraiment être de mauvaise foi pour plaider que QS n’est pas vraiment indépendantiste. La nuance est la suivante : QS n’est pas SEULEMENT indépendantiste. Il est également de gauche, écologiste et féministe. Pour certaines personnes, ces valeurs sont de trop et viennent déclasser l’indépendance dans leur hiérarchie des luttes à mener. À notre avis, une telle hiérarchie n’existe pas et en créer une est contre-productive.

L’arrivée du multimillionnaire Pierre-Karl Péladeau comme candidat péquiste durant l’élection de 2014 aura été l’occasion pour notre formation de préciser notre pensée à ce sujet. Bien sûr, lors du prochain référendum, nous allons faire campagne pour le « oui » avec tous les souverainistes, ce qui inclut Péladeau, Lucien Bouchard et autres conservateurs. Mais non, nous n’allons pas travailler avec eux sur le reste des sujets. Bien au contraire, nous allons nous opposer vertement à leur austérité, leur politique antisyndicale, à leur pétrophilie.

 

À ce propos, as-tu observé la course à la chefferie du Bloc Québécois ? Le moins que l'on puisse dire est que l'indépendance est revenue au cœur de leurs débats.

Oui, mais de loin. Je ne suis pas membre d’aucun parti politique fédéral et mon exécutif local m’a demandé de demeurer neutre sur la question. La seule chose que je dirai est qu’il est agréable de constater que la question de l’indépendance est en effet revenue au devant de la scène. De plus, j’ai été agréablement surpris de voir que les débats avaient également porté sur la place des autres partis politiques au sein du Bloc. Cela fait longtemps que le Bloc est accusé de n’être rien d’autre que l’aile fédérale du PQ, alors que les militants de QS et d’ON étaient laissés de côté. À chaque élection provinciale, il était coutume de voir le chef du Bloc faire une conférence de presse conjointe avec le chef du PQ pour dire qu’ils allaient appuyer le PQ. En tant que militant de QS, le message était : on ne veut pas de vous. Il sera intéressant de voir ce que sera l’attitude de Mario Beaulieu en 2018.

Sur l'indépendance, tu mets souvent en avant un travail auprès des communautés culturelles étrangères, qui sont souvent hostiles à un projet vu comme excluant. Le même processus était à l’œuvre lors du débat sur la Charte des valeurs, à laquelle Québec Solidaire s'est opposé. Une laïcité d'état paraît pourtant un vrai enjeu mais le débat a semblé étouffé par des postures avant tout stigmatisantes. Quelles sont les propositions du parti et ta position sur ces sujets ?

On entend parfois de la part de certains Canadiens anglais que les Québécois seraient plus racistes et moins ouverts à la diversité culturelle. C’est bien sûr une immense fausseté. L’histoire de la société québécoise est traversée par l’immigration depuis la fondation de la colonie par la France au 17e siècle. La plus récente immigration arabo-musulmane a généré son lot de défis et de tensions que le PQ a tenté d’exploiter politiquement avec son projet de charte des valeurs.

Mon parti a développé une position nuancée basée sur les résultats de la commission Bouchard-Taylor qui s’était penchée sur le phénomène des accommodements raisonnables. Partisans d’une approche interculturelle plutôt que multiculturelle, nous avons proposé notre propre projet de Charte dont on peut résumer l’essence par : laïcité des institutions de l’État, liberté des individus.

Malheureusement, la manipulation grossière de l’enjeu identitaire par le PQ a fait en sorte d’éloigner considérablement la communauté arabo-musulmane de la souveraineté, alors que c’était la communauté la plus proche de ce projet. Sur ce plan, tout est à reconstruire et QS doit jouer un rôle important car la réputation du PQ est foutue pour au moins une bonne décennie.

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Alexandre Leduc en avril 2014 avec Manon Massé et Amir Khadir

Tu étais candidat dans une circonscription potentiellement gagnable, et le score final a été réellement serré. Si Québec solidaire voit ses scores progresser partout on ne peut nier que son centre électoral se trouve à Montréal, les trois députés du parti sont dans des circonscriptions voisines de la tienne et de Laurier-Dorion, où vous obtenez aussi un très bon score. Si avoir un fief n'est pas un mal, comment faire pour décupler l'influence de QS en région ?

Le fait que les votes progressistes soient plus concentrés dans les grands centres urbains n’est pas un phénomène propre à QS ou au Québec. On observe la même chose au Canada, en France ou ailleurs. Ce n’est donc pas surprenant que QS ait fait élire ses premiers députés dans les quartiers centraux de Montréal. La droite a exactement le même problème, mais à l’inverse. Il n’y a en effet aucun député de la CAQ dans les nombreuses circonscriptions montréalaises.

Cependant, il est faux de dire que QS ne croît pas en dehors de Montréal. Une analyse plus pointue des données électorales démontre une croissance importante, notamment à Rimouski.

Le défi de QS repose plutôt dans sa capacité à faire résonner sur la scène nationale les bons discours que ses candidats ont déjà développés dans leurs régions respectives. Par exemple, les candidats de la région de Québec avaient développé une plateforme régionale très précise. De plus, l’équipe dans Rimouski a fait de Marie-Neige Besner une candidate au rayonnement régional et même national.

Cela étant dit, des réflexions ont lieu en ce moment sur la possibilité de cibler une circonscription hors Montréal et d’investir plus de temps et d’énergie pour y faire élire un ou une nouvelle solidaire. Rimouski pourrait être ce terrain propice. La ville est réputée plutôt progressiste et est le lieu de résidence de plusieurs étudiants (cégep et université) qui sont, en général, plus susceptibles d’être sympathiques aux idées de Québec solidaire.

 

Finalement battu, tu as annoncé vouloir te représenter en 2018. Tu as forgé le concept d'« opposition officielle locale », peux-tu nous dire ce que cela signifie pour toi et ce que tu comptes mettre en œuvre pour obtenir ton entrée à l'Assemblée nationale dans quatre ans ?

À peine 1000 voix nous séparaient de la victoire dans Hochelaga-Maisonneuve. J’ai pris la décision de me représenter en 2018 au courant de la dernière semaine de campagne pour différentes raisons : 1) j’avais beaucoup apprécié mon expérience de 2012 et de 2014, 2) j’étais très fier du travail accompli par notre équipe, 3) je crois qu’il est important d’avoir une certaine stabilité dans les candidatures, 4) j’avais le goût de continuer à incarner une certaine relève dans le parti. J’en ai donc fait l’annonce le soir même du vote ce qui a été, je le souhaite, un léger baume pour les militants.

Nous avons développé le concept d’opposition officielle locale après l’élection de 2012 ou nous sommes arrivés bons deuxièmes. Le PQ règne sans partage sur Hochelaga depuis 1970. Il n’y a jamais eu de force politique organisée qui, entre les élections, remette en question le travail de la députée dans le quartier. Nous avons voulu incarner cette opposition officielle entre 2012 et 2014 et j’estime que cela a relativement bien fonctionné. Nous avons réussi à critiquer publiquement la députée Carole Poirier sur les dossiers du transport en commun et des écoles contaminées. Cela a tellement bien fonctionné que, durant cette période, nous avons eu plus de couverture médiatique que la députée elle-même.

Dans l’immédiat, mon équipe et moi-même allons prendre du repos et un peu de recul, mais ce ne sera que pour revenir en force dans quelques mois avec la ferme intention de mener des dossiers de front, de faire du bon travail de terrain et de construire maintenant notre victoire de 2018.

 

Entretien réalisé par courriel
en août 2014

Pour aller plus loin :
Blog d'Alexandre Leduc
Page facebook d'Alexandre Leduc
Québec solidaire

25 août 2014

Le Bloc est mort, vive le Bloc !

En juin 2014 Mario Beaulieu est élu chef du Bloc Québécois et depuis la chaîne de catastrophes est lancée : Jean-François Fortin, démissionne avec violence, Claude Patry doute mais ne rompt pas, tout en annonçant qu'il quittera la vie politique en 2015, Lucien Bouchard explique que le Bloc n'aurait jamais dû survivre au delà de 1995, comme cela était convenu à l'origine, et un sondage terrible donne le Bloc au fond du trou, à 13% des intentions de vote. Et tout ça à cause de Beaulieu le « radical » qui effraie les électeurs en parlant d'indépendance. C'est du moins ce que l'on explique un peu partout avec une mauvaise foi et des troubles de la mémoire assez étonnants.

Le Bloc va mal, c'est indubitable. Personne ne dira que le départ d'un de ses rares députés et un sondage donnant de tels résultats sont de bonnes nouvelles. Mais il semble un peu facile de faire porter le chapeau à un homme qui n'a jamais fait que reprendre la barre d'un bateau déjà bien perturbé par des éléments avec lesquels il n'a rien à voir : la catastrophe électorale de 2011, l'exclusion de madame Mourani (et ses reniements) ou encore le départ de Daniel Paillé. Depuis quatre ans le Bloc a été réduit à quasiment rien au Parlement, en un cycle infernal où peu d'espace entraîne peu de visibilité et les seules fois où les médias ont parlé du parti c'était lors des troubles cités plus haut. Il faudra plusieurs années pour s'en remettre, ou pour disparaître c'est selon, mais en tous cas ce n'est pas à seul un homme de porter le chapeau.

On peut trouver la stratégie de Beaulieu stupide, c'est un droit, mais dans un tel moment de crise aller chercher d'abord à resserrer les troupes, le cœur du parti, qui est tout de même sensé être les indépendantistes, semble assez logique. Le reste c'est beaucoup de travail, de pédagogie, pour développer l'option vers l'extérieur. Quand on l'écoute, Beaulieu s'en sort d'ailleurs plutôt bien. Loin de la caricature d'un virulent combattant le couteau entre les dents, il donne des arguments économiques, culturels, avec un ton bonhomme et plutôt sympathique. Le problème est qu'il est aujourd'hui perpétuellement réduit à devoir se justifier de tout et de rien. Alors voyons les événements en question...

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Jean-Françoise Fortin et Claude Patry

  • Le départ de Jean-François Fortin, un coup dur assurément, quand on a un caucus de quatre députés en perdre un a de graves proportions. Mais quand on voit que ce dernier est simplement effarouché par l'idée d'indépendance et qu'il imaginait la création d'un parti fédéral où cette idée n'existerait pas ne peut-on pas simplement imaginer qu'il s'était trompé de parti ? N'y avait-il pas un problème quelque part ? Il ne s'agit pas de faire la chasse au « mous » contre les « purs et durs », certainement pas, mais simplement de rappeler le premier paragraphe des statuts du Bloc Québécois : « Le Bloc Québécois est un parti politique souverainiste, implanté exclusivement au Québec. Il sera présent sur la scène fédérale jusqu'à la réalisation de la souveraineté du Québec. »

    Ce projet peut-être tout à fait inclusif mais y croire, même sur le long terme, semble quand même utile pour représenter le parti. Jean-François Fortin, comme Madame Mourani en 2013, s'est en quelques semaines découvert fédéraliste. Il ne s'agit pas d'un problème interne de ligne de parti, mais d'hypocrisie ; et à ce titre je dois dire que son départ ne me fâche pas trop. On dit souvent que quand le bateau va mal, les rats quittent le navires, c'est ce qui se passe et le plus regrettable reste les dégâts infligés à la cause indépendantiste. ;

  • Plus dur encore, le départ tout récent d'André Bellavance. Il ne s'agit rien de moins que de l'ex-adversaire de Beaulieu, celui qui voulait diriger le parti, et voilà qu'il le quitte, effrayé. Il faut lui admettre plus d'honnêteté que Jean-François Fortin dans le discours, il ne tourne pas le dos à l'indépendance, etc. Mais qu'en dire ? C'est atterrant et terrible à la fois. Je le répète, on ne peut pas faire comme si de rien n'était, mais que faire ? Beaulieu a été élu sur un programme clair et il faudrait, pour d'évidentes raisons d'égo, qu'il y renonce ? André Belavance dénonce une chasse aux sorcières des « purs et durs» contre lui, notamment sur les réseaux sociaux. Je suis très sceptique, d'abord car je ne crois pas aux purs et durs (que sont les autres, des mous impurs ?), ensuite parce qu'il ne s'agit là que d'appliquer le programme de base, enfin car si je ne nie pas des possibles attaques sur les réseaux sociaux il suffit de passer outre : « déconnecte-toi de Facebook et viens avancer avec nous », avais-je envie de lui dire... Encore une fois il ne faut pas faire comme si de rien n'était, ce départ est un coup dur - un de plus -, un coup violent. Avec plus que deux députés, le Bloc abordera les élections fédérales plus qu'affaibli, d'autant que la désormais moitié du caucus mérite aussi son paragraphe...

  • L'épisode Claude Patry est surtout révélateur d'une certaine manière de faire de l'information. On se souvient que Patry a été élu sous l'étiquette du NPD avant de rejoindre le Bloc, une attitude qui me pose problème quand bien même je trouve ses raisons tout à fait légitimes (la position du NPD sur la clarté référendaire). À l'époque de nombreux commentateurs ont d'ailleurs rappelé qu'il avait, sous sa première étiquette, soutenu les projets de lois interdisant les transfuges. Lors de l'élection de Mario Beaulieu, il avait fait part de ses doutes quant à son avenir politique et s'était rallié. Après l'épisode Fortin, la Presse annonce l'« info exclusive » du départ de Patry du Bloc alors que ce dernier est en vacance et n'a pas été contacté. In fine, il n'a pas quitté le parti, mais annoncé qu'il ne se représenterait pas. Ce n'est pas vraiment une surprise tant l'homme a toujours semblé avoir du mal à évoluer dans la politique fédérale, chose qu'il avoue sans fard en expliquant la dureté d'être dans l'opposition. Sa circonscription n'étant pas un fief bloquiste (elle était aux mains des conservateurs avant d'être emportée par le NPD) on peut aussi imaginer qu'il aurait bien eu du mal à se faire réélire, ceci + ceci + ceci ont pu aider sa réflexion. C'est dommage car ce n'était pas un mauvais député, très investi sur la question des forêts, et un des rares ouvriers du Parlement, mais le moule politique est bien particulier et l'on peut en effet s'y sentir mal.

  • Quant à la vision de Lucien Bouchard... Mon opinion le concernant est assez négative pour ses positions droitière, que Gabriel Nadeau-Dubois résumait très bien dans son beau livre Tenir Tête : « je n’ai vu que des gouvernements néo-libéraux prendre le pouvoir et, cela va de soi, privatiser les institutions publiques. Le Parti québécois de ma génération, c’est celui de Lucien Bouchard, pas celui de René Lévesque. » Il reste qu'il a été un des porte-paroles de l'indépendance les plus populaires, que c'est le co-fondateur du Bloc, un ancien premier ministre du Québec... Autant de choses qui lui donnent un poids inégalé.

    Alors quand il dit que le Bloc aurait du cesser d'exister en 1995 il a raison, à l'époque l'indépendance devait être gagnée et le Bloc s'auto-dissoudre. Cela n'a pas été le cas et le Bloc a donc continué son chemin. Le rappel historique est exact et à lieu lors d'un long entretien d'une vingtaine d'heures, il est extrait et monté en épingle comme une attaque contre Beaulieu de manière assez artificielle alors même que le reproche pourrait se faire à tout le bloc de 95 à aujourd'hui. Bizarrement l'idée ne vient pas aux commentateurs qui préfèrent ce contenter de la période récente... Concernant l'existence de ce parti et l'histoire référendaire pas besoin de plus détailler, Jean-François Lisée le fait très bien sur son blog.

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Lucien Bouchard en 2009

Mais il reste le sondage CROP de la semaine, ce terrible sondage qui place le Bloc à 13% au Québec, juste devant les conservateurs et très loin derrière les libéraux et néodémocrates. S'il s'avérait réel le score serait terrible : en 2011 le Bloc n'avait eu que quatre députés en obtenant 23,4% des suffrages. Autant dire qu'à 13% le parti serait rayé de la carte, encore qu'avec les bizarreries du scrutin il garderai peut-être des sièges, en tous cas c'est bien trop peu et la plupart des analystes fixent au dessus de 25% le seuil provincial nécessaire pour obtenir un groupe reconnu à la Chambre des Communes1. Mais il y a une mauvaise foi évidente à extrapoler les résultats de ce sondages au scrutin de 2015, le parti venant justement de traverser de graves crises qui peuvent légitimement éloigner les électeurs. On peut espérer que cela soit différent l'année prochaine, que Mario Beaulieu aura réussi à calmer ses troupes et que le parti sera en ordre de bataille, sinon en effet ce sera compliqué.

Mais même avec un parti en difficulté, analyser sur des plateaux télés un sondage à presque un an d'une élection n'a guère de sens, particulièrement sur un territoire où l'électorat est aussi volatil que le Québec : rappelons que quelques semaines avant les élections personne n'avait vu venir la vague adéquiste de 2007, ni la vague orange de 2011 ou qu'en janvier 2014 on promettait à Pauline Marois un gouvernement péquiste majoritaire quand après l'élection les sondages affirmaient que la CAQ serait devenu opposition officielle si la campagne avait duré deux semaines de plus. Bref, on nage dans l'absurde le plus total, bien loin de la prétendue scientificité des chiffres. Mais si cela peut rassurer mes amis québécois, cette absurdité est aussi bien répartie des deux côtés de l'Atlantique, nos chroniqueur d'ici se déchirant sur des sondages dévoilant les résultats des élections présidentielles d'avril... 2017 !

De quoi se demander, si tout est si joué d'avance, pourquoi l'on s'embête encore à faire de coûteuses élections...

1 À ce propos on regarderai avec intérêt le graphique de Carl Boileau répartissant les résultats de 2011 avec un scrutin proportionnel mixte, à comparer avec ce que ça à donné à la Chambre.

Crédits photos : JF Fortin par Sean Kilpatrick/Canadian Press ; Claude Patry par Alexs Fortin ; Lucien Bouchard via Wikimedia.

12 août 2014

Pour Raymond Gravel

gravel

Le décès de Raymond Gravel me force à sortir de mon silence estival. Je dois dire que j'aurais préféré continuer à me taire. Raymond Gravel était un grand homme, homme politique, homme d’Église et Homme tout court. Avec son parcours atypique, il fut un des premiers députés québécois auquel je me suis intéressé, il y a pas mal d'années de ça puisqu'il était encore élu.

Raymond Gravel n'a été élu que deux ans, député bloquiste de Joliette de 2006 à 2008. Forcé ensuite de choisir entre la députation et la prêtrise, il était revenu à ses ouailles, qu'il n'avait jamais quitté.

Je ne vais pas revenir durant des lignes sur tout son parcours, de sa jeunesses difficile à ses derniers mois en passant par ses combats principaux, deux articles résument bien cela : celui du Huffington Post, qui revient sur ses combats les plus polémiques un par un, et ce très bel entretien/portrait du Bel Âge

Mais en passant, quelques petites choses. Si l'on a parfois teinté Gravel de combats qui n'étaient pas les siens, son engagement pour les déshérités fut majeur. Souvent en conflit avec sa hiérarchie, il a ainsi pris position très clairement pour le mariage homosexuel ou l'aide médicale à mourir et s'est opposé à faire du fœtus un être vivant – sans être le militant pro-avortement que certains voulaient en faire, et assumant la complexité de ses positions.

Il portait un regard de bienveillance, d'accueil et d'amour bien plus proche du message de l’Évangile que beaucoup que ses collègues figés sur un dogme qu'il fustigeait régulièrement. D'ailleurs, au sein de l’Église même, il a milité pour l'ordination des femmes dans l’Église, le mariage des prêtres et, surtout, l'accueil de ceux que l'institution rejette aujourd'hui : homosexuels, divorcés, femmes ayant avortés. Il n'hésitait pas à dire que l’Église était à la ramasse, accusant Benoît XVI et, fait plus rare, Jean-Paul II, de lui avoir fait prendre « cent ans de retard ».

S'intéressant toujours à ce qui se passait autours de lui, il a pris une position ferme de soutien à la ministre péquiste Véronique Hivon lors de la présentation de la loi 52 offrant le droit à l'aide médicale à mourir. Il se savait condamné à ce moment là et déclarait simplement qu'il ignorait s'il aimerait en profiter. Tout juste disait-il que s'il souffrait, il n'y avait qu'à le laisser décider et s'arranger avec Dieu « une fois de l'autre bord ».

Dans le concert d'hommages – très nombreux et souvent sincères, même si je reste parfois surpris de voir de violents opposants chanter ses louanges – on rappelle moins souvent son opposition à la Charte des valeurs et de la laïcité. Il ne s'agissait pourtant pas pour le prêtre de s'opposer à une laïcité d’État qu'il a toujours défendu, mais de refuser un projet stigmatisant visant en premier lieu certaines communautés religieuse.

Il n'aura jamais vu s'accomplir son rêve d'indépendance mais aura au moins eu le plaisir de voir l’Église évoluer. Lui qui ne se reconnaissait dans aucun des papes de ces cinquante dernières années avait vu d'un très bon œil l'accession de François au sacerdoce suprême. Je ne résiste pas à poster cette croustillante citation de Gravel à propos de la lutte de « son pape » contre le luxe au Vatican : « Il a découvert que la garde-robe d’un cardinal coûte au bas mot 20 000$. Les soutanes haute couture, les souliers de soie et les dentelles vont être abolis. On a fini de voir défiler ces ecclésiastiques comme s’ils formaient une assemblée de poupées Barbie. Au dernier conclave, ils avaient l’air d’une bande de travestis en parade, des vrais drag-queens ! »

Raymond Gravel n'a été élu que deux ans, mais son intérêt allait toujours à « la vie de la cité ». À ce titre, porté par une bonté et une tolérance peu commune, il n'a jamais cessé d'être un homme politique, et est bien un des plus marquant que le Québec ait porté ces dernières années.

Crédit photo : Wikimedia

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La politique Québécoise vue de France
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