Gérald Godin par Rémy Simard, extrait d'Auto-Biographie, de Jacques Godbout.
Le 12 octobre 1994, Gérald Godin décédait après dix ans de lutte contre un cancer du cerveau. Ancien journaliste, militant indépendantiste emprisonné lors de la crise d'Octobre 70, enseignant, il se jette en politique en 1976. Candidat péquiste dans Mercier, il obtient une victoire plus que symbolique face au sortant, le libéral Robert Bourassa, alors Premier Ministre !
Son apport politique n'est pas mince, après lui ce fief libéral deviendra un château-fort péquiste, puis solidaire. Outre cette victoire, il est ministre à plusieurs reprises, notamment responsable de l’application de la Charte de la langue française puis des affaires linguistiques. Rien d’étonnant pour cet amoureux des mots et de la langue française.
Car avant tout, Gérald Godin est resté un poète, un député-poète, cela existe même à la fin du XXe siècle. Profitons de la célébration/hommage de son décès pour méditer ce poème fameux entre tous.
« T’en souviens-tu Godin ? »
« T’en souviens-tu, Godin
astheure que t’es député
t’en souviens-tu
de l’homme qui frissonne
qui attend l’autobus du petit matin
après son chiffre de nuit
t’en souviens-tu des mal pris
qui sont sul’ bien-être
de celui qui couche dans la neige
des trop vieux pour travailler
qui sont trop jeunes pour la pension
des mille métiers mille misères
l’amiantosé le cotonisé
le byssinosé le silicosé
celui qui tousse sa journée
celui qui crache sa vie
celui qui s’arrache les poumons
celui qui râle dans sa cuisine
celui qui se plogue sur sa bonbonne d’oxygène
il n’attend rien d’autre
que l’bon dieu vienne le chercher
t’en souviens-tu
des pousseurs de moppes
des ramasseurs d’urine
dans les hôpitaux
ceux qui ont deux jobbes
une pour la nuitte
une pour le jour
pour arriver à se bûcher
une paie comme du monde
t’en souviens-tu, Godin
qu’il faut rêver aujourd’hui
pour savoir ce qu’on fera demain ? »
Les Botterlots, éd. de L’Hexagone, 1993